Informer sans travestir ni déformer, c'est notre combat !
12 Janvier 2017
Journaliste et Rédacteur en chef de la Radio associative tchadienne F.M-Liberté, dont son siège social est actuellement basé à N'Djaména, la Capitale tchadienne. Cher confrère journaliste, nous vous remercions infiniment d'avoir accepté cette interview écrite.
Voudriez-vous bien vous présentez à nos lecteurs ?
M. Sony-Je suis Mekondo Sony, Chef de service des Nouvelles et Rédacteur en Chef de la Radio FM-Liberté, une station privée qui œuvre pour la défense des Droits de l’Homme.
L'actuel gouvernement du Tchad est empêtré dans une crise financière sans précédent qu’il tente de justifier auprès du peuple par la baisse des cours du pétrole au niveau mondial. Croyez-vous à cette explication ?
La crise financière que traverse le pays est perceptible et découle d’une mauvaise gestion de nos dirigeants qui n’arrivent pas à sanctionner les voleurs (détourneurs) des deniers publics.
Quelle était les réactions de votre rédaction à l'annonce de cette mauvaise nouvelle qui paralyse les activités de tous les secteurs du pays?
Au niveau de notre station nous ne manquons pas de parler de cette situation avec des papiers d’analyse, des interviews et des émissions interactives pour amener les dirigeants à revoir leur manière de gérer les biens de l’Etat, mais hélas.
Continuez-vous toujours au niveau de votre Radio de vous mobiliser pour traiter cette épineuse question de la crise ?
Notre Radio à un cahier de charge spécifique, une ligne éditoriale qui nous permet de nous prononcer sur ce qui ne marche pas. Nous continuons par le faire, malgré les critiques acerbes de quelques personnes qui taxent la Radio Liberté, la radio de l’opposition.
Dites-nous d'ailleurs, comment se porte la Radio F.M-liberté ?
La Radio se porte bien pour le moment.
Quelles relations entretient-elle cette Radio avec le peuple tchadien?
Nous avons une parfaite relation avec nos auditeurs ; la preuve c’est tous les jours qu’ils viennent en personne ou ils nous appellent par téléphone pour nous informer des cas de violations des Droits de l’Homme.
La ligne éditoriale de votre rédaction est-elle restée la même ou bien l'aviez-vous changé à cause d'intenses menaces de fermeture de votre Radio de la part du régime de N'Djaména qui se sent souvent visé par vos mots assez dures contre lui ?
Comme je l’ai dit tout haut, notre ligne éditoriale n’a pas changé et nous continuons à faire plus avec nos correspondants dans les régions. Et c’est grâce aux informations diffusées sur nos antennes que les autorités sont informées sur ce qui se passe dans le Tchad profond.
Nous nous rappelons encore bien qu'un jeune journaliste tchadien issu de la confession musulmane, avait qualifié à l'époque la FM-liberté lors d'une réunion des journalistes, d’une Radio des Sudistes en estimant qu'il se passe assez d'événements malheureux ou bons dans certaines régions du Tchad en majorité musulmane qui ne sont pas ou peu couverts par vous
? Que lui direz-vous, s’il revenait à vous poser la même préoccupation aujourd’hui ?
Ce jeune journaliste qui avait dit en son temps que la radio FM-Liberté ne parle que des événements qui concerne que les chrétiens n’a pas été bien renseigné, aujourd’hui nos frères musulmans ont compris et quand il y a une violation au quartier nord ou dans la région de l’Est du pays, ils n’hésitent pas de nous saisir. La radio FM-Liberté ne fait pas de la discrimination. Elle est au service du peuple pour les Droits de l’Homme.
L'Etat tchadien par le biais du Haut Conseil de la Communication(H.C.C) avait l'habitude de considérer que les journalistes de la Radio F.M manquaient ou manquent souvent du professionnalisme dans le traitement de leurs informations. Qu'en est-il présentement?
A l’époque c’est vrai il y a eu des dérapages, mais pour l’heure c’est par notre travail qui consiste à informer objectivement la population et à encadrer les étudiants des écoles et instituts de journalisme que la radio est en tête des autres stations , même la Radio nationale qui ne fait pas des papiers de réflexions ? Et donc le Haut Conseil de la Communication (HCC) n’a plus d’arguments pour nous épingler, la preuve pour l’année 2015, la Radio FM-Liberté est la meilleure radio privée par le vote de la population tchadienne et un autre prix de meilleur reportage sur le mariage des enfants cela prouve à suffisance que nous progressions.
Quelles relations entretenez-vous dès lors avec cette instance nationale de régulation?
De nos jours, il y a une cordiale relation entre le HCC et la Radio FM-Liberté.
Pour faire face à la crise financière, le gouvernement a adopté 16 mesures de réforme dites d’urgence, comme conditions sine qua non pour redresser le Tchad qui vit des moments les plus sombres de son histoire. Croyez-vous à ces 16 mesures?
Les 16 mesures ne sont que des propositions de certains « Ministres » qui ont fait ce scénario pour avoir la confiance du chef de l’Etat ? Il est vrai que les dignitaires au pouvoir ont amassé assez d’argent et ont même placé dans des paradis fiscaux. Certains se promènent avec des devises étrangères dans des véhicules qui coûtent extrêmement cher (V8).Dans quel pays avez-vous vu un gouvernement responsable prendre des mesures impopulaires allant jusqu’à supprimer les indemnités des enseignants obtenus au prix d’une lutte syndicale ?
Pensez-vous que c'est vraiment une bonne solution ces 16 mesures pour redresser le pays ou estimez-vous que le chef de l'Etat et son gouvernement se sont trompés?
Le chef de l’Etat a trouvé un moyen pour punir les fonctionnaires ou du moins les Tchadiens qui ne l’on pas voté et c’est clair.
Est-il pratique d'après vous de travailler pour de tels médias tchadiens en matière de liberté de la presse?
Je me réjouis de travailler dans une Radio privée, au moins je me sens libre dans mes analyses tout en respectant l’éthique et la déontologie.
Quelle définition donnez-vous au mot liberté de la presse dans un pays où certains médias internationaux nomment clairement d'autoritaire l'homme fort qui le dirige?
La liberté de la presse pour moi c’est de faire son travail de journaliste en toute liberté sans aucune pression et surtout dans l’art.
Pensez-vous que si votre pays vit dans une vraie démocratie, vous aurez plus Des mains libres pour exercer correctement votre métier ?
Ces médias internationaux qui emploient des termes « l’homme fort, le tout puissant, etc. » ont peut-être leurs raisons ? Pour moi à ce que je sache, un homme n’est jamais fort seul. Dans ma rédaction, le traitement de l’information se fait d’une manière professionnelle.
Le président Idriss Deby accorde souvent plus d'importance aux médias étrangers comme par exemple RFI ou Jeune-Afrique ? Quelle est, d'après vous, la vraie raison lorsqu'un Chef de l’Etat préfère s'adresser à son peuple par le biais des médias étrangers?
Mon pays est démocratique en théorie, mais dans la pratique c’est autre chose. Imaginez-vous la Constitution de notre pays qui donne le droit de grève, de manifestations et autres avantages est systématiquement réprimé par les forces de l’ordre qui sont censé protégé la population, les activités des partis politiques de l’opposition sont interdites. Donc c’est une démocratie de façade.
Trouvez-vous cela choquant et discriminatoire lorsque les autorités de votre pays donnent l'impression de sous-estimer les capacités de leurs médias locaux, tant privé que public?
Le Président de la République vend son image à l’extérieur, et donc il a besoin d’utiliser ces médias pour sa visibilité. Au pays également, il y a de la discrimination. Des activités que la presse privée n’est pas convié alors que cette presse éclaire les dirigeants sur des vrais problèmes que la presse gouvernementale ne diffuse pas.
Au classement mondial de la liberté de la presse 2016 par les Reporters Sans Frontières, le Tchad occupe le 127é rang sur le 180 pays figurant sur leur liste? Étiez-vous déjà d'accord avec ce classement dès sa publication par RSF ?
Je ne peux faire des commentaires par rapport au classement fait par Reporter Sans Frontière.Ça l’engage.
D'ailleurs que pensez-vous des actions menées par RSF en Afrique et plus particulièrement au Tchad, notamment concernant la protection qu'ils apportent aux journalistes tchadiens?
L’intervention de RSF dans mon pays en matière de protection des journalistes est une bonne chose et nous estimons que le RSF devrait intensifier la sensibilisation des autorités dans le domaine de la liberté de la presse et surtout le journaliste dans le cadre de sa profession.
La F.M-liberté serait membre d'un collectif des Radios privées tchadiennes, voire des radios de la sous-région d'Afrique centrale. Est-ce que cela vous garantie-t-il suffisamment une protection ou des conditions de travail dignes en tant que journalistes africains où toute critique du régime ou de ses proches est immédiatement sanctionnée, en dépit des lois?
La Radio FM-Liberté est membre de l’Union des Radios Privées du Tchad (URPT) dont je suis l’actuel Secrétaire Général et nous formons, sensibilisons et défendons les journalistes si ceux-ci ont raison, mais nous n’encourageons pas ceux qui font des chantages pour avoir de l’argent comme cela se passe avec nos confrères de la presse écrite.
Dans une des pages du Site Web des Reporters Sans Frontières il est dit : «il ne fait pas bon être journaliste au Tchad. Les reporters sont régulièrement arrêtés pour des articles publiés. La plupart sont libérés assez rapidement et comparaissent libres". Pensez-vous que c’est exact ce qu'ils disent en matière des conditions de travail des journalistes tchadiens ou démentez-vous cette information?
A propos de ce que RSF a dit : « qu’il n’est pas bon être journaliste au Tchad » je lui concède ça. Au Tchad, certains journalistes ne font pas réellement leur travail comme il se doit, ceux qui sont arrêtés font le travail de mercenariat et ils ne peuvent qu’être arrêtés ? Mais élargir à tous les journalistes, je ne partage pas cette idée.
Existe-t-il une organisation locale qui rassemble tous les journalistes tchadiens et que fait-elle concrètement pour les médias privés d'une part et d'autre part pour les médias publics?
Au Tchad, nous avons une organisation des journalistes dénommée, Union des Journalistes Tchadiens (UJT) et cette Union regroupe tous les journalistes tant du public que du privé.
Si réellement il existe une organisation locale qui rassemble tous les journalistes tchadiens a-t-elle de façon concrète un pouvoir de protection face à un gouvernement répressif et ennemi de la liberté de la presse dans votre pays?
Elle regroupe tous les hommes des médias excepté quelques journalistes qui ne se reconnaissent pas de l’UJT pour des raisons égoïstes à eux, s’ils sont arrêtés le bureau de l’UJT fait des gymnastiques pour les libérés. Il faut dire également que l’UJT n’a pas des moyens financiers pour son fonctionnement car les journalistes, beaucoup ne cotisent pas.
On parle de plus en plus de la Maison de la presse tchadienne. C’est quoi au juste et quelle est sa vocation première ?
La Maison des Médias du Tchad existe belle et bien, mais seulement, elle a des difficultés pour son fonctionnement. Elle est un lieu où toutes les corporations ont accès pour des informations sur le net et autres activités pour les journalistes.
Enfin, quel message voulez-vous adresser à l’ensemble du peuple tchadien, et en particulier aux étudiants tchadiens de l'intérieur qui étudieront désormais sans bourse ?
Je lance un appel à tous les tchadiens sans distinction de race, d’ethnie de région et de religion que nous devons surmonter nos différences et nous unir pour construire notre cher pays. Que l’idée de l’application des 16 mesures soient annulée pour permettre à la reprise des activités dans tous les secteurs. Ce sont là mes vœux pour l’année 2017.
Propos recueillis par Ahmat Zéïdane Bichara