Cuba : la révolution numérique en marche à Gaspar, une bourgade de 7500 âmes.

 Dans un contexte aussi défavorable, quatre adolescents passionnés d’informatique ont eu la prouesse de créer via un wifi pirate, un Facebook local qui impacte considérablement la vie sociale de leur village et pourrait faire émule dans d’autres pays les moins connectés au monde. A cuba, moins de 5 % de la population bénéficie de service de l’internet à domicile, selon de nombreuses estimations. Cette minorité des privilégiés est constituée des chercheurs, des médecins et des journalistes qui peuvent parfaitement se connecter. L’accès internet est cher et reste strictement contrôlé par l’Etat. Ouvert en 2015, le wifi public ne compte que 317 points de connexion sur l’ensemble du territoire. Les jeunes de Gaspar, une bourgade rurale de 7500 habitants profitent allègrement des vacances scolaires pour se retrouver sur le « Paseo », l’artère principale jonchée de maisons modernes et d’immeubles de trois étages délabrés.

Assis sur les bancs de ciment d’un terre-plein ombragé, la plupart de ces jeunes jouent ave leurs Smartphones, sans faire recours au wifi payant de l’opérateur étatique Etecsa. Ils utilisent plutôt le « Gaspar social ».Arletty Guerra, une fonctionnaire de 22 ans est totalement subjuguée par l’esprit créatif de ces jeunes. « C’est magnifique ce qu’ont fait les jeunes de Gaspar » dit-elle. Elle reconnait que le réseau apporte « un changement salutaire dans un village un peu éteint » Osmani Montero, jeune cubain de 23 ans et employé municipal raconte : « Au début le réseau était uniquement destiné aux jeux vidéos », puis un ami m’a suggéré de mettre en ligne (…) un réseau social que j’avais crée pour les écoles ».

Malgré son succès -Gaspar social a séduit 500 utilisateurs avides-, il présente quelques limites : faible portée du signal, pas de connexion à l’internet mondial.Il permet d’échanger des textes, des photos et des vidéos sans avoir à débourser le dollar et demi de l’heure le tarif applicable par l’opérateur de l’Etat Etecsa. Vu le nombre grandissant des utilisateurs, quatre antenne-relais supplémentaires ont été installées pour éviter la saturation du réseau. Par ailleurs, Gaspar social s’est enrichi d’un portail d’informations et ses créateurs pensent à d’autres applications du genre petites annonces, consultations médicales à distance.

Reinaldo Rafael Meneses se réjouis en ces termes « Plus de 90% de mes élèves ont accès à ce réseau » Osmany, Yoandi, Jorge Luis et Sergio, les jeunes créateurs du Gaspar social ne se font guère d’illusion qu’ils doivent garder le profil bas et éviter de s’aventurer sur les terrains politiques et pornographiques au risque d’attirer les foudres des autorités du ministère des communications, habilitées à délivrer de licence. Ils savent qu’ils évoluent en toute illégalité. Bien entendu, les autorités font preuve de tolérance à leur égard et veille surtout sur les activités de Gaspar social car au moindre faux pas, la sanction risque de tomber si lourdement. Mais en attendant, on n’en est pas là.De général, les réseaux sociaux permettent de « chatter », jouer en ligne, voire échanger des fichiers via un réseau wifi ou filaire. Cependant, les jeunes créateurs ont poussé l’expérience à un niveau inédit.

Le développement des réseaux de quartier est une bonne chose, selon les experts. Car il permettrait au gouvernement d’honorer son engagement d’offrir internet à tous les cubains à l’horizon 2020.Le succès fulgurant du réseau ont poussé les responsables locaux du Parti communiste cubain à rencontrer les créateurs pour une séance d’explications mi-avril dernier. Yoandi résume parfaitement la mise au point du Parti communiste " Ils nous ont bien sûr rappelé que le réseau est illégal, mais ils ont dit qu’ils ne retireraient pas nos antennes".Les quatre jeunes ont bien reçu le message et entendent rester à leur modeste place:pas de politique ni des propos déplacés sur le réseau sous peine de suppression voire d'expulsion des utilisateurs. Enfin,les articles des médias d'Etat constituent l'essentiel du portail d'informations.

Moussa T. Yowanga.