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19 Juin 2017
Depuis l’adoption par le gouvernement des 16 mesures de réforme dites d’urgence censées répondre au défi de la crise économique et financière, dix mois après, le pays continue inexorablement de sombrer dans l’incertitude. Aucune bonne perspective ne semble confirmer la justesse du choix opéré par les membres du gouvernement ayant décidé de façon unilatérale, l’application des mesures impopulaires et socialement très dures. Malgré la vague de grognes sociales et les vives protestations des fonctionnaires et des étudiants regroupés au sein de leurs organisations syndicales respectives, le gouvernement est resté droit dans ses bottes pour mettre en application lesdites mesures. Force est de constater qu’il règne un flou complet sur l’application effective totale ou partielle de toutes ces mesures. Si la décision a été prise à grand coup de communication relayé par l’ensemble des médias, le peuple mérite d’être informé sur l’état d’avancement de l’exécution de l’ensemble de ces mesures et surtout d’avoir le droit de savoir combien cela rapporte financièrement.
Beaucoup des Tchadiens restent sceptiques quant à l’aboutissement de cette opération qui rappelle, à bien d’égards, l’opération « Cobra » lancée contre l’enrichissement illicite au Tchad en mai 2012, puis reléguée aux calendes grecques après un début tonitruant. Le public ne saura jamais pourquoi on a mis un terme à cette opération et combien elle a rapporté au trésor public ? Et les poursuites à l’encontre des voleurs de la République se sont généralement soldées par des emprisonnements de courte durée ou des relaxes pures simples après un arrangement entre copains du pouvoir (un lobby mafieux disons-le tout net). Des ministres, des hauts fonctionnaires, des élus identifiés et jugés coupables de détournement des fonds publics n’ont jamais été sévèrement sanctionnés avec l’inscription de condamnations sur le casier judiciaire. Au contraire, ils ont été promus à des postes juteux quelques mois plus tard. Aujourd’hui, ils font le beau temps et la pluie dans le sérail du pouvoir. Ils se reconnaîtront. Pourtant, sous d’autres cieux, le détournement de fonds public peut coûter très cher à toute personne qui se livrerait à cet exercice illicite. En France, par exemple le délit est prévu par l’article 432-15 du Code pénal qui dispose que : « Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, un comptable public, un dépositaire public ou l'un de ses subordonnés, de détruire, détourner ou soustraire un acte ou un titre, ou des fonds publics ou privés, ou effets, pièces ou titres en tenant lieu, ou tout autre objet qui lui a été remis en raison de ses fonctions ou de sa mission, est puni de dix ans d'emprisonnement et d'une amende de 1 000 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit de l'infraction.»
Rien que le fait de le savoir est déjà dissuasif et personne ne vous sortira de la nasse si jamais vous y tomber. Alors qu’au Tchad, vous détournez une fois, non seulement, il ne vous arrivera rien mais vous serez au final récompenser. Un paradoxe purement Tchadien me direz-vous ! Le gouvernement doit communiquer sur les mesures prises au mois d’août 2016. Autrement dit, il va être mis sur le banc des accusés en voulant favoriser les uns au détriment des autres. Il y a un certain nombre de mesures dont la presse a fait écho par exemple, la restructuration de l’ONRTV, le lancement de l’audit des diplômes, l'audit organisationnel des projets et programmes etc. Il est absolument primordial de revenir plus en détail sur chacune d'elles et la réalité concrète de son application sur le terrain. Cependant, la taille du gouvernement reste pléthorique et celle de l’organigramme des ministères n’a subi aucune modification. Prenons simplement le dernier gouvernement dit Pahimi Padacké Albert III rendu public le 05 février 2017, il compte 38 membres alors que celui du 14 août 2016 en compte exactement le même nombre. Malgré l’entrée en vigueur des 16 mesures décidées lors du Conseil des ministres du 31 août, le Chef de l’Etat ne trouve rien à dire pour diminuer de façon significative le nombre des membres de son gouvernement. Pire, il nomme par décret des fonctionnaires à des postes vacants dans certains départements (comme si le Tchad se trouvait en bonne santé financière). Au niveau de la présidence, le nombre des conseillers n’a guère varié. S’il faut lutter contre la crise économique, l’exemple devrait venir clairement d’en haut. Sinon, tout peut arriver lorsque les citoyens se sentent flouer par des gouvernants véreux et cupides.
Moussa T. Yowanga