14 Novembre 2017
Dans un communiqué de presse écrit sous forme d’un article par Adélaide Sauveur, titré « Kabila toujours en place » publié le 2 novembre 2017, Survie, association française de défense des Droits de l’Homme relève, dès l’entame de son analyse que depuis le 19 décembre 2016, au terme constitutionnel de son mandat, Joseph Kabila se maintient à la tête de la République démocratique du Congo (RDC) en empêchant la tenue du scrutin présidentiel. Il compte bien tirer parti de l’éclatement de l’opposition pour perpétuer son pouvoir. Jusqu'à quand ? Selon l’auteure de ce communiqué de presse, l’année 2016 avait vu une forte mobilisation populaire pour demander la tenue de l’élection présidentielle à la date prévue par la Constitution. Le retard délibéré dans l’établissement des listes électorales et la mauvaise volonté évidente de Joseph Kabila avaient suscité des manifestations durement réprimées (plusieurs dizaines de morts).
L’Eglise catholique, à travers la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), très influente en RDC, s’était imposée comme médiatrice entre la Majorité présidentielle (MP), le parti de Joseph Kabila, et le « Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement » , l’opposition congolaise dont font partie l’UDPS d’Etienne Tshisekedi, des partis d’opposition et des organisations de la société civile (syndicats, associations, etc.). Y figure aussi le « G7 », groupement fondé en 2015 par sept transfuges de la MP passés à l’opposition, qui soutient la candidature à la présidentielle de Moïse Katumbi, ex-gouverneur du Katanga exilé en Europe. La démarche des évêques avait abouti, le 31 décembre 2016, à l’Accord dit « de la Saint Sylvestre », qui a permis, dans un premier temps, de désamorcer la colère grandissante de la population congolaise et d’éviter ainsi un bain de sang inutile face à un régime prêt à réprimer durement toute insurrection. D’après Adélaide Sauveur, l’Accord de la Saint-Sylvestre prévoit la création d’un Conseil national de suivi de l’accord (CNSA) et du processus électoral, et la formation d’un gouvernement d’union nationale chargé d’organiser les élections avant la fin de l’année 2017. Selon cet accord, il appartient au Rassemblement de l’opposition de proposer au président Kabila un Premier ministre. C’est sur ce point que la Majorité présidentielle et le Rassemblement ont eu beaucoup de mal à s’entendre. La MP estimait qu’il fallait que l’opposition présente trois candidats afin que le président de la République puisse avoir le choix, conformément à la Constitution. Et il était de toute façon inadmissible que Moïse Katumbi figure parmi eux. Survie considère que : « La disparition d’Etienne Tshisekedi, décédé le 1er février 2017 à Bruxelles des suites de sa maladie, a bloqué les négociations avec le président Kabila et empêché la sortie de la crise politique.
Le leader incontesté de l'opposition n’étant plus là, aucune autre personnalité politique n’est parvenue à faire l’unanimité et l’opposition s’est divisée. Le fils du défunt, Félix Tshisekedi, a été élu président du Rassemblement et présenté comme candidat au poste de Premier ministre, tandis qu’une frange dissidente du Rassemblement lui préférait Joseph Olenghankoy. Le président Kabila a habilement profité de cette scission en nommant, en avril dernier, Bruno Tshibala, un dissident du Rassemblement, au poste de Premier ministre. Cet ancien de l’UDPS d’Etienne Tshisekedi a été exclu du parti un mois plus tôt après avoir rallié Joseph Olenghankoy. Ce dernier a ensuite été nommé président du CNSA, fin juillet. Une désignation immédiatement contestée par les partisans de Félix Tshisekedi. Le débauchage de membres de l’opposition marque clairement l’intention de Kabila de ne pas organiser les élections. Les ténors de son clan œuvrent à l’extérieur comme à l’intérieur du pays pour assurer la pérennité du régime. Barnabé Kikaya, conseiller du chef de l’État depuis 2014, négociateur en chef aux Nations unies et fin diplomate, « affronte opposition du Conseil de sécurité de l’ONU, des chancelleries occidentales, de l’Union européenne et même du Pape François » (Le Monde, 01/09) pour éviter à Kabila des sanctions internationales plus sévères. Kalev Mu tond, le puissant chef de l’Agence nationale de renseignement (ANR), verrouille quant à lui la forteresse de l’intérieur. Surnommé « le Bourreau du régime Kabila », il est visé par des sanctions de l’Union européenne et des États-Unis, à l’instar de plusieurs autres hauts responsables du régime, dont Lambert Mende, porte-parole du gouvernement et ministre de la Communication. » Elle considère aussi que : « l’armée congolaise est suspectée de graves exactions dans les provinces du Kasaï où l’on a trouvé plus de 40 fosses communes et plus de 400 morts. Plus d’un million de personnes ont été déplacées dans cette région du Kasaï.
Deux enquêteurs de l’ONU y ont été assassinés en mars. Les experts des Nations-Unies dépêchés sur place n’ont toujours pas éclairci ce double meurtre, mais le scénario qui se dessine est celui d’un guet-apens impliquant les services congolais (RFI, 13/09). La répression est permanente dans le pays. Des zones d’insécurité sont créées dans plusieurs provinces, notamment au Kivu, en Ituri, au Kongo central, et à Kinshasa. Toute manifestation est interdite. La situation socio-économique de la population congolaise est alarmante. L’opposition a pour l’instant recours à des opérations pacifiques de type « villes mortes » pour faire pression sur le régime. Des organisations de la société civile et des mouvements citoyens ont signé un « Manifeste du citoyen congolais » le 18 août à Paris. Ce document prône « des actions pacifiques et non violentes » visant à empêcher le président Kabila de se maintenir au pouvoir au-delà du 31 décembre 2017.
Le Rassemblement dirigé par Félix Tshisekedi, tout comme la CENCO, proposent qu’au 31 décembre prochain, un président de transition soit nommé si les élections ne sont pas organisées d’ici-là. Dans la société civile, un nom est cité, celui du docteur Mukwege, ce médecin gynécologue qui « répare les femmes » Que ce dernier accepte ou non, rien ne permet malheureusement de penser que Kabila, les caciques du pouvoir et leurs puissants soutiens s’en remettront facilement à ce scénario. A Paris comme ailleurs, on ne peut que s’inquiéter de voir chauffer la cocotte-minute congolaise, en se demandant quand et comment se relâchera la pression. Si la France appelle bien au « respect de la démocratie, des droits de l’Homme et de la Constitution en RDC », elle se garde bien d’être pro-active sur le sujet (contrairement aux États-Unis ou à l’Union européenne), et maintient discrètement ses intérêts, qui profitent du statu quo à l’instar de Total, qui a décroché le gros lot avec l’exploitation du pétrole du lac Albert, en Ituri.
En juin, la libération d’un otage français employé par la société canadienne Banro, qui exploite des mines d’or dans l’est de la RDC, a valu au dictateur congolais un petit coup de fil personnel d’Emmanuel Macron, mais surtout la visite discrète du nouveau locataire de la cellule Afrique de l’Elysée, Franck Paris, et du directeur Afrique/Océan indien du Quai d’Orsay, Rémi Maréchaux (Afrikarabia, 10/09). Et début septembre, c’est le Premier ministre congolais qui est venu essayer de pousser des portes à Paris, une visite pleine d’énergie. » Comme rappelle de l’histoire, l’auteure de ce communiqué de presse pour Survie, Adélaïde Sauveur pense que : « Le 4 septembre, il s’affiche dans un « dîner d’amitiés » avec Jean-Louis Borloo, dont le nouveau dada est d’électrifier l’Afrique et de faire tourner une fondation aux généreux sponsors industriels. Puis, tandis que la télévision congolaise annonçait un entretien avec le président du Palais du Luxembourg, Bruno Tshibala a pu seulement s’afficher sur Twitter avec le sénateur Les Républicains de l’Eure, Ladislas Poniatowski, présenté à tort comme « vice-président du Sénat », mais qui préside tout de même le groupe d’études Énergie. Selon le journaliste Christophe Rigaud (Afrikarabia, 10/09), Kinshasa espérait réussir le même coup de communication que le Tchadien Déby début juillet (cf. Billets n°269, juillet-août 2017) : permettre à Kabila de passer opportunément par la cour de Élysée, avant son déplacement à l’assemblée des Nations unies, le 12 septembre. Loupé, Macron était à Saint-Martin, pour faire le show après le passage de l’ouragan Irma ». Ahmat Zéïdane Bichara