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REGARDS D'AFRICAINS DE FRANCE

Informer sans travestir ni déformer, c'est notre combat !

Œil de Fabien : Secret et mensonge d’état

«Le mensonge est le sabre qui sépare les meilleurs amis» stipule un proverbe libyen de 1876.Ce n’est pas faux. Et justement, c’est dans ce sens que l’œil de Fabien vous amène une fois de plus dans l’univers des grands secrets et mensonges des appareils d’états au travers du livre de Raphaëlle Bacqué (titré : «L’enfer de Matignon : ce sont eux qui en parlent le mieux» paru en août 2008 aux éditions Albin Michel).En effet,si ailleurs sous d’autres cieux, beaucoup des hauts responsables de l’Etat n’auraient pas osé donner leurs témoignages concernant ce sujet délicat qui est celui de «mensonge d’état», en France grâce au plume de l’écrivaine Raphaëlle Bacqué, quelques premiers ministres français comme Laurent Fabius, Michel Rocard, Raymond Barre n’eurent respectivement aucune difficulté de le raconter tour à tour à leur façon. Comment maîtriser les services secrets lorsqu’ils répondent d’abord aux ordres de l’Elysée ? Voyez-vous, c’est justement c'est là où ces différents témoignages ont leur sens d’être, même si évidemment parler de sa propre vie n’est pas toujours un exercice facile pour beaucoup de personnes à travers la planète. De toutes les façons, chacun de vous découvrira de lui-même à travers la lecture de leurs témoignages ci-dessous, l’importance de ce sujet abordé par l’auteure de dudit livre.

Laurent Fabius reconnait qu’en tant qu’humain, il y’a des limites à un homme de tout savoir sur ce qui se passe sous son nez et en l’occurrence la maîtrise du pouvoir et tous ses dérives. C’est dans l’exercice de sa fonction du premier ministre qu’il va découvrir qu’il y’a tant de mensonge en politique, même auprès de ceux qui vous sont proches. Et il déclare : « Le premier ministre n’est pas omniscient. Mieux il n’est pas forcement informé de tout, pas même de l’action des services secrets qui peuvent agir en référant au président de la République et au ministre de la défense en dehors de Matignon. L’affaire Greenpeace en est un bon exemple. Il y’a deux phases dans cette affaire. La première phase : les services secrets, avec l’autorisation du ministère de la défense, décident de commettre un attentat- il n’y a pas d’autres termes- pour empêcher les écologistes de l’ONG Greenpeace de manifester notamment contre les essais nucléaires menés par la France à Mururoa. L’opération absolument abracadabrante, consiste à saboter un bateau de Greenpeace, « le Rainbow warrior » amarré dans le port d’Auckland, en Nouvelle-Zélande. Et là, drame absolu. Pour saboter le bateau, les agents des services secrets ont posé des explosifs sous la coque et un malheureux photographe qui se trouvait sur le bateau perd la vie. C’est d’une imbécillité totale, mais qui n’est pas sans précédent.

La même démarche imbécile avait été imaginée des années plus tôt, du temps je crois où Bernard Stasi était ministre de l’outre-mer et celui-ci s’était opposé à l’opération. Mais c’était une idée qui était dans les cartons du ministère. Cette fois, on craint une manifestation d’ampleur de la part des écologistes et on décide de les neutraliser, d’où cette opération de pieds-nickelés et le drame. Je n’étais pas au courant. Absolument pas. Ce qui n’est pas normal, mais de fait, le premier ministre est tenu à l’écart. Le président de la République, lui est-il au courant ? Le chef des services secrets de l’époque assure qu’il en a parlé à mots couverts à François Mitterrand, que celui-ci ne lui aurait répondu ni oui ni non, mais une phrase du style : « Réglez le problème ». Moi, je suis premier ministre et j’apprends que le Rainbow warrior a sauté et qu’un photographe a perdu la vie par une dépêche de l’AFP. Je ne m’alarme pas particulièrement.

Mais les journalistes, en particulier ceux du journal Le Monde, font leur travail et on voit bien qu’il y tout de même quelque de pas très catholique dans cette histoire. En tant que premier ministre, je vais réagir à la fois à bon escient et commettre une faute. Je vais vous expliquer pourquoi. Je convoque Matignon le ministre de la défense et deux ou trois autres ministres. Comme j’ai tout de même un peu de bon sens, je leur demande aussitôt : « Ecoutez, voilà ce que je lis dans les journaux, voilà les informations. Est-ce que nous y sommes pour quelque chose ? » Mais je commets aussitôt une erreur en prévenant : « Si nous y sommes pour quelque chose, il y’aura des sanctions. » C’est là que commence le mensonge du ministre de la défense de l’époque, Charles Hernu, vis-à-vis du premier ministre. Le ministre de la défense assure : « Non, nous n’y sommes pour rien, absolument pour rien. » Bon, c’est sa parole. Comment le premier ministre pourrait-il ne pas le croire ?

Or Michel Rocard pense qu’occuper le poste du premier ministre vous place dans une position de la personne la mieux informée de son pays et de tout ce qui se trame en dessus et dessous et affirme que:« Le personnage qui occupe Matignon est normalement le mieux informé de France. Tout le travail des services de police, tout le travail des écoutes téléphoniques arrive chez lui. C’est là que l’on décide de ce qui va aller jusqu’au président de la République. Est-ce que, plus généralement, on dit toujours la vérité au premier ministre ? Toute vérité arrive biaisée, déformée par les corporatistes, les biais d’une compétence partielle, d’un intérêt politique, voire d’un intérêt financier. La moindre des prudences, dans ces conditions est de toujours chercher la contre-information. Si on vous disait toute la vérité, on aurait refait l’univers depuis longtemps ».

Cependant Raymond Barre lui constate que pour être mieux informé, il faut passer par la case de maitrise de services secrets, et s’en donne les moyens pour ne pas perdre la jouissance. Il déclare ainsi : « A mon arrivée à Matignon j’ai pris comme directeur de cabinet Daniel Doustin qui était préfet de la région Aquitaine mais qui avait été le directeur de la DST au temps de l’OAS. J’étais donc assez décidé à être bien renseigné sur l’appareil d’Etat. C’est lui qui m’a dit très vite, un ou deux jours après son arrivée : « Monsieur le premier ministre, il faut que nous nous occupions des services secrets car devez éviter de vous faire faire un enfant dans le dos. » Oui, ce sont ses mots « un enfant dans le dos » Et il a établi, à Matignon, une rencontre le lundi matin de tous les responsables des services sécurité et des services secrets. De sorte que le premier ministre soit toujours bien informé de nos opérations. Dans la plus grande discrétion, bien entendu. Ainsi, lorsque le président de la République a décidé de lancer en mai 1978, l’opération de Kolwezi, ce parachutage de nos soldats au Zaïre, il ne m’en a pas informé préalablement. Mais j’ai appris le matin même que l’opération était en cours, par les services secrets. Ce n’est que le soir que M. Giscard d’Estaing m’a annoncé Kolwezi. J’étais déjà au courant, mais je ne lui ai pas dit. Et lorsque Edith Cressons, des années plus tard, est devenue premier ministre, je lui ai donné le même conseil en reprenant la même expression : « contrôlez les services secrets afin que l’on ne vous fasse pas un enfant dans le dos ! »

Fabien Essibeye Fangbo,journaliste stagiaire

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