Informer sans travestir ni déformer, c'est notre combat !
6 Février 2020
C’est un tableau presque apocalyptique que dresse le militant politique et penseur de gauche Noam Chomsky, concernant l’état et le devenir de la société moderne au regard des enjeux auxquels le monde fait face, dans un brillant article publié le mardi 04 février par la RTBF et signé par notre confrère Grégoire Ryckmans. Cet homme de nationalité américaine âgé de 91 ans, se définit comme un anarchiste commentant la politique de son pays sans langue de bois. Il est tout à la fois linguiste, historien, philosophe, et professeur. En somme c’est une imminente figure intellectuelle qui se montre souvent critique vis-à-vis de l’impérialisme américain. Il a livré sa vision actuelle du monde lors d’une récente interview. Farouche opposant de Donald Trump, il n’hésite pas après avoir été confronté aux textes d’Aldous Hixley «Le meilleur des mondes» et de Georges Orwell « 1984 » présentant un futur fictionnel mais particulièrement terrifiant, à affirmer que l’Amérique a créé une «dystopie globale». Selon Chomsky, il subsisterait dès le départ « un amalgame de ces deux modèles totalitaires et dystopiques émergents ». Mais il se pose la question de savoir quel est précisément ce modèle qu’il voit émerger? Le penseur de gauche et linguiste trouve lui-même une réponse détaillée en se référant au romain «Nous autres» de l’écrivain Shoshana Yevgeny Zamyatin et «l’ère du capitalisme de surveillance» de Shoshana Zuboff qui selon lui, est le meilleur moyen de prédire et de décrire le système de technico-surveillance qui se développe déjà aux Etats-Unis et partout dans le monde, où des géants comme Google, Amazon et d’autres inventent de nouvelles façons de surveiller l’humanité grâce à la technologie. Concrètement, les informations collectées pour vous proposer une publicité, tel le cas d’un restaurant chinois alors que vous aimez la cuisine chinoise et que vous êtes en train de rouler dans une ville que vous ne connaissez pas ne sont pas uniquement utilisées pour vous faire des recommandations mais également «pour vous contrôler », met en garde le professeur du MIT. «Les compagnies d’assurances observent ce que vous faites, et s’ils voient que vous brûlez un feu rouge, ils peuvent vous envoyer un message instantané indiquant « vous feriez mieux d’être prudent, nous allons augmenter le montant de votre « prime ».
Ils pourraient même arriver au stade ils seraient en mesure de verrouiller votre véhicule. Monsieur Chomsky estime que les dérives de ce modèle de techno surveillance qui tente de vous faire prendre certaines directions en vous formatant et « qui vous punissent en quelque sorte, sont déjà en action à certains endroits dans le monde. Prenons le cas de la Suède, où la pratique des implants high-tech sous-cutanés, commence à se propager chez les travailleurs. «Si vous acceptez d’avoir une puce sous la peau, vous avez un accès gratuit à la machine à café et d’autres avantages. Mais la puce contrôle vos actions. Les employés du géant de vente en ligne Amazon ne sont pas épargnés, car certains sont observés et contrôlés en temps réel pour rendre leur job plus efficace. « Ils ont des outils pour connaître exactement quel chemin est le plus rapide d’un point à l’autre. Vous devez vous en tenir au planning et si vous deviez de votre route pour saluer un collègue, vous recevez un avertissement », explique le professeur. Les chauffeurs de camions sont également dans le collimateur de leurs employeurs qui surveillent leur comportement en temps réel afin de s’assurer qu’ils font leur travail de manière la plus performante possible. En Chine, les amateurs de la série Black Mirror, basée sur la mise en œuvre de technologie dystopique, savent que certains que phénomènes actuels ont été annoncés d’avance dans les épisodes. C’est le cas de cet épisode dans laquelle tous les citoyens obtiennent de notes en fonction de leurs comportements et ont tous une « note sociale », déterminante pour leur cycle de vie. Le modèle est testé depuis 2014 et continue à se développer en Chine. «Le type de modèle vers lequel la société évolue est déjà illustré dans une large mesure en Chine », indique Chomsky, « où ils ont des systèmes de surveillance très puissants et où vous obtenez ce qu’ils appellent un système de crédit social. Les gens sont loin d’imaginer que cette forme de surveillance soit une intrusion, ils la voient comme si c’était la vie, comme le lever du soleil le matin. «Vous avez un certain nombre de points, et si vous traversez une route, vous enfreignez le code de la route, vous perdez des points », explique-t-il. «Si vous aidez une vieille dame à traverser la rue, vous gagnez des points. Très vite, tout cela s’intériorise, et votre vie est consacrée à vous assurer que vous respectez les règles établies. Cela va se développer énormément avec l’arrivée de ce que l’on appelle l’internet des choses (IoT). Cela signifie que chaque appareil autour de vous : votre réfrigérateur, votre brosse à dents, etc, recueille des informations sur ce que vous faites, prédit ce que vous allez faire ensuite essaie de contrôler ce que vous allez faire ensuite, conseille ce que vous faites ensuite ».
Le linguiste y voit d’autres types de menaces hors mis technologiques. Il estime que le réchauffement climatique est un danger imminent pour la survie de l’humanité. «Si vous y pensez, nous sommes là depuis environ cent mille ans, nous sommes supposés être l’espèce la plus intelligente mais nous sommes actuellement en train de détruire la possibilité d’une vie humaine organisée ».Selon lui, la situation s’explique par ‘la coopération de ceux qui se décrivent comme les meilleurs et les plus brillants dans des mots Trumpiens. Je suis par exemple convaincu que le CEO d’ExxonMobil ou celui de JB Morgan Chase en savent autant sur le réchauffement climatique que nous. Et ils savent certainement que continuer à faire ce qu’ils font en maximisant l’utilisation de combustibles fossiles, et en continuant à investir dans le développement de ces combustibles fossiles, ils savent certainement que cela va détruire les possibilités d’une vie humaine organisée ». Le camp des climato sceptiques conduit par Donald Trump continue de développer une thèse négationniste par rapport au réchauffement climatique. Le président américain ne pense à personne, si ce n’est à lui, je pense qu’il n’y a pas une autre idée dans sa tête », se désole le socialiste libertaire. «Il maintient son électorat principal heureux, les riches et les puissants et fait en sorte de contrôler les autres ». Cela lui réussi comme le souligne Chomsly, disant qu’il faut maximiser l’utilisation des énergies combustibles, en utilisant plus de charbon, plus d’énergie, etc. Les Etats-Unis, sous l’ère Trump produisent tous azimuts et intensément de pétrole, de gaz de schiste, etc. Dans son déni de la réalité, le président américain ne se sent lier par aucun engagement international et il continue à marteler : «Nous ne devrions plus mettre de contrôles sur les émissions des voitures et des camions. Pourquoi ? C’est simple. Nous allons passer par-dessus la falaise de toute façon alors pourquoi ne pas s’amuser ». Un dernier point qui préoccupe Chomsky, c’est bien la question brûlante de risques potentiels d’une guerre nucléaire. Chaque jour, le risque d’affrontement nucléaire ne cesse de s’amplifier nettement. Il pourrait y avoir la guerre nucléaire à cause de « l’arrêt du traité de désarmement nucléaire « qui nous a gardés en vie jusqu’ici. Si on regarde l’histoire des armes nucléaires », Et Chomsky déplore le fait que nous sommes maintenant libres de créer de plus en plus d’armes de destruction massive et les Etats-Unis feraient en sorte que les autres puissent en produire aussi pour faire tourner le business des armes.
Moussa S. Yowanga