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13 Juillet 2020
Comme la plupart des pays confrontés à la pandémie de coronavirus, le Mexique est durablement frappé en Amérique Latine. Le belge journal RTBF a révélé le samedi 11 juillet de quelle manière les cartels de la drogue profitent de la crise sanitaire au Mexique. Dans ce contexte assez inédit, les puissants cartels de la drogue tentent d'occuper le vide délaissé par le gouvernement pour se montrer généreux envers les populations les plus démunies en leur fournissant une aide alimentaire. La pandémie connaît une ascension fulgurante au Mexique malgré son arrivée tardive par rapport au vieux continent. Le président de gauche au pouvoir est accusé avec son gouvernement de n'avoir pas su réagir vite en prenant des mesures sanitaires adéquates afin de prévenir la propagation du virus dans le pays. Depuis quelques jours, le Mexique s'est hissé au cinquième rang des pays comptant les plus de victimes dans le monde, dépassant ainsi les pays européens comme l'Espagne et la France. S'il est le 2eme pays le plus peuplé de la planète avec plus de 126 millions d'habitants, le Mexique se distingue également en devenant le 8eme pays avec le grand nombre des personnes contaminées par la COVID-19 à l’échelle planétaire. Selon plusieurs études, le nombre de victimes estimées à plus de 30 000 morts, reste inférieur à la réalité. Les experts se montrent peu optimistes en raison de l'ampleur toujours grandissante de la pandémie. Malgré l'entrée en vigueur du déconfinement début juin, le nombre de cas a triplé dans le pays et les mesures sanitaires mises en place sont loin d’être observées par toute la population mexicaine. Le gouvernement qui fait l'objet de nombreuses critiques pour avoir ré-ouvert partiellement le pays pour relancer l’économie, refuse d’admettre que cette ouverture précoce ait pu contribuer à l'explosion du nombre de cas.
Toutefois les chiffres enregistrés sont parlants et tendent à accréditer cette thèse puisque la situation a digéré dans ce laps de temps. Et cela malgré les affirmations rassurantes du président mexicain au début de la crise concernant la résistance à toutes les calamités des Mexicains et l’utilisation supposée d’amulettes de protection ou d’une photo de christ « bouclier de protection », brandit par le chef de l'Etat surnommé AMLO (surnom du président mexicain composé par les premières lettres de son prénom et de son nom). L'économie connaît une crise avec plus de 12 millions de travailleurs ayant perdu leur emploi. Beaucoup se sont retrouvés en arrêt de travail forcé pendant plusieurs mois, laissant parfois de nombreuses personnes défensivement sur le carreau. Le gouvernement s'est retrouvé sous les feux de critiques pour n'avoir pas fait assez pour les aider. Dans ce contexte de crise économique, certains des puissants cartels de la drogue du Mexique tentent d'intervenir pour combler ce vide. La BBC a réussi à tourner des images exclusives dans le cartel de Sinaloa. Ce cartel, l’une des plus grandes organisations criminelles du pays et autrefois dirigé par El Chappo de son vrai nom Joaquin Guzman, tente de gagner les cœurs et les esprits des Mexicains les plus pauvres. Ces narcotrafiquants, focalisent l'essentiel de leurs activités sur le trafic de drogues comme l'héroïne ou le fentanyl, des substances à la base notamment de la crise des opiacés aux Etats-Unis., qui a déjà fait des milliers de victimes. Le cartel du Sinaloa est aussi actif dans le trafic d'armes.
Mais aujourd'hui, certaines « maisons de sécurité » qui servent de planques pour stocker la drogue et les armes ont changé d'apparence. Dans l'une d'elles, l'équipe de la BBC assiste à ce qui ressemble à une opération caritative. Des employés préparent des colis d'aide alimentaire composés de thon, de riz ou de papier toilettes à destination de la population démunie. « C'est maintenant plus que jamais que les gens ont besoin de nous, parce que le gouvernement ne les aide pas du tout », affirme un membre du cartel visage masqué. « Nous allons distribuer ces colis à tous les villages, à tous les gens pauvres qui n'ont pas assez pour subvenir à leurs besoins à cause de la crise du coronavirus ». Pour Gerardo Rodriguez, un expert en sécurité mexicain interrogé par la BBC, ces actions ne sont pas désintéressées. Le professeur à l'université de Puebla explique : « Les cartels ne sont pas des Robin des bois. En échange de ces colis, ils reçoivent le soutien de la société car il est très important pour eux de pouvoir compter sur ce bouclier social pour protéger les narcos et leurs familles des opérations de l'armée mexicaine, par exemple ». Mais l'organisation criminelle originaire du nord du pays n'est pas la seule à mener ce type d’opérations humanitaires. D'autres cartels mexicains s’engagent aussi dans la « narco-philanthropie ». Des initiatives qui ne plaisent pas au président mexicain. En conférence de presse, il a déclaré : « J'ai vu des groupes criminels distribuer des colis d'aide, ceci n'aide pas. Ce qui aide, c’est qu’ils arrêtent leurs méfaits ». La « guerre contre la drogue » du Mexique a déjà coûté la vie à plus de 250.000 personnes depuis 2006, dont de nombreux innocents tués dans des échanges de tirs. Pendant le confinement, les meurtres ont augmenté pour atteindre des chiffres autour des 3000 morts par mois. Selon un membre du cartel de Sinaloa, interrogé sur les crimes commis par son organisation, il s'agit simplement de défense : « contre beaucoup de choses, le gouvernement, les ennemis, nous devons nous protéger ». Et si le cartel continue à utiliser la violence pour poursuivre son action, l'aide à la population est devenue une autre arme cruciale. « La protection des gens est importante pour nous parce que sans eux, nous ne sommes rien. Nous devons toujours être loyaux avec la population pour pouvoir poursuivre notre business ».
Moussa S. Yowanga