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REGARDS D'AFRICAINS DE FRANCE

Informer sans travestir ni déformer, c'est notre combat !

50e anniversaire de l'indépendance : bilan mitigé pour la presse congolaise

                                                          El-Staël Enkari

  (Syfia/CRP) En un demi-siècle, le paysage médiatique congolais s'est enrichi. Mais, le grand public, abreuvé d'infos politiques, n'y trouve pas son compte. En cause, le manque de déontologie et de formation des journalistes, par ailleurs mal payés dans leurs médias.

 

Au Congo Brazzaville, la presse a une histoire riche dans laquelle se replongent volontiers plusieurs professionnels des médias et le grand public à la veille du 50e anniversaire de l'indépendance du pays, le 15 août prochain. Au Congo, le premier journal date de 1952. "Cette année-là, La Semaine de l'AEF (Afrique équatoriale française, Ndlr), qui deviendra La Semaine Africaine, est créée à Brazzaville. En 1960, au moment de l'indépendance, c'est la publication dominante (d'obédience catholique, Ndlr), à côté d'une autre plus politique, Le Renouveau", rappelle Mfumu Fylla Saint-Eudes, directeur du journal Vision pour Demain. Les médias de cette époque étaient limités par la censure. "La presse congolaise, à proprement parler, n'existait pas. Il y avait une presse tenue par les Européens, qui ne donnait que des informations sur la métropole", ajoute Bernard Mackiza, président de l’Observatoire congolais des médias (OCM).

 

Cinquante ans après, le paysage médiatique s'est enrichi. À côté de La Semaine Africaine, existe désormais une multitude de journaux dont certains paraissent irrégulièrement ou disparaissent aussi rapidement qu'ils se sont créés, faute de moyens. D'autres supports médiatiques sont par ailleurs apparus. Bien que le Congo ait connu la première télévision de l'AEF en 1962, la télévision a peu évolué depuis, notamment à cause du coût de l’autorisation d’émettre (1,5 million de Fcfa, près de 2 300 €). Côté radios, la première tentative (Radio Brazzaville) a eu lieu dès 1940, sous l'impulsion du général de Gaulle, mais ce n'est qu'à la suite de la guerre civile de 1997 que naîtront plusieurs stations. Depuis quelques années, les nouvelles technologies offrent aux Congolais d'autres sources d'information.

 

Journalistes mal formés, public mal informé

Lecteurs, auditeurs et téléspectateurs ont certes plus de choix, mais ils ne semblent pas y trouver leur compte. "Je préfère suivre les médias de Kinshasa plutôt que les nôtres qui ne parlent que de politique", affirme Levy, un auditeur. "Certains journalistes propagandistes ne respectent pas la déontologie et subissent des contraintes des politiciens", ajoute Boris. "Les informations cruciales sont d'abord données par les médias étrangers et ensuite seulement les nôtres prennent le relais", déplore un professeur de l’Université Marien Ngouabi de Brazzaville. Selon lui, la plupart des journalistes congolais ne recherchent pas les informations, notamment de société, et préfèrent couvrir les activités politiques pour arrondir leurs fins de mois. Mal payés, les journalistes courent en effet derrière les publireportages qu'ils diffusent comme s'ils étaient de vrais articles. Une faute déontologique parmi d'autres… "Autrefois, les journalistes vérifiaient leurs informations avant publication", regrette ainsi Hervé, un journaliste.

 

Ces dérapages ne sont pas toujours conscients. "Les animateurs de nos médias ont beaucoup de lacunes liées à la formation, trop théorique, qu'ils ont reçue à l'université. D'autres entrent dans la profession sans formation", remarque Mfumu Fylla. Bernard Mackiza constate les mêmes manquements : "La presse d'hier était meilleure du point de vue rédactionnel. De nos jours, on fait une presse de comptes rendus contrairement aux journaux de 1960 qui traitaient à fond des sujets de réflexion". De son côté, l’Observatoire congolais des droits de l’Homme (OCDH) insiste sur une autre limite de la presse : "Cinquante ans après l'indépendance, on a l’impression que les droits des journalistes sont respectés, mais ce n'est pas le cas. Par exemple, l'accès aux sources d'information (officielles, Ndlr) est toujours difficile", déclare Roger Bouka Owoko, directeur exécutif de l’OCDH. Selon lui, le Conseil supérieur de la liberté de communication (CSLC) "fait plus de répression que de prévention ou d'éducation en sanctionnant les journalistes, le plus souvent sans arguments valables".

 

Une convention collective peu appliquée

Depuis le début de l’année, des organes de presse privés ont ainsi été sanctionnés pour non-respect de la déontologie, diffamation et injure. Certains journalistes s'étaient mis en infraction par ignorance des règles du métier. En plus de la formation à améliorer, Jacques Banangadzala, président du CSLC, évoque d'autres aides vitales pour les médias. "Pour que la presse fasse bien son travail, elle doit avoir tous les moyens (matériels et financiers, Ndlr) nécessaires", souligne-t-il.

Depuis 1991 et l'ouverture démocratique, la presse congolaise a connu une avancée. "Aujourd'hui, une convention collective (adoptée en 2008, Ndlr) régit les rapports entre employés et employeurs. Cela n'existait pas en 1960", observe Abé Ngandziele, président de l’Association congolaise des journalistes et éditeurs de presse. Mais cette convention n'est appliquée que dans quelques rares médias en ce qui concerne la rémunération des journalistes.

 

 

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