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REGARDS D'AFRICAINS DE FRANCE

Informer sans travestir ni déformer, c'est notre combat !

Nord-Kivu: Une rivière qui rapproche Congolais et Ougandais.

(Syfia Grands Lacs/RD Congo) A force de travailler ensemble à transporter sur leur dos les gens qui traversent la rivière séparant la chefferie de Watalinga au Nord Kivu et l'Ouganda, les jeunes Congolais et Ougandais ont levé la méfiance et les préjugés qui existaient entre les habitants des deux pays depuis une quinzaine d'années.

                                                    Cyprien Lusenge

 Wevale ! (Merci, en langue locale), lance un Ougandais qui vient de traverser la rivière Lamya sur le dos d'un porteur. Il est 6 heures du matin, c'est jour de marché à Nobili dans la chefferie de Watalinga en RD Congo. L'eau de la rivière est froide, ce qui n'empêche pas quelques enfants de jouer à s'éclabousser, pendant que les mamans font la lessive. A cette heure de la journée, c'est le ballet des porteurs qui font traverser ceux qui viennent de l'Ouganda s'approvisionner en denrées alimentaires. De temps à autre, c'est la bousculade et des passagers, chaussures en mains et pantalons repliés jusqu'aux genoux, se fraient un passage entre les pierres qui jonchent la rivière. C'est le passage obligé pour arriver au marché situé à 3 km . "Chaque jour, Congolais et Ougandais traversent la rivière dans les deux sens", explique le président des taximen congolais de Nobili, qui vient de déposer un client. Large de 6 m et perdue dans la brousse aux confins du parc national des Virunga, secteur nord, la rivière Lamya constitue une frontière naturelle entre la RD Congo et l’Ouganda. Mais il n'y a pas de pont pour aller d'un côté ou de l'autre, ce qui oblige les voyageurs à passer à gué.

 Lever les préjugés

Entre 1996 et 1997, les discours politiques ont installé la méfiance entre les populations civiles des deux pays. "Les préjugés nous ont amenés à croire que tous les jeunes Congolais sont des maï-maï", raconte Faïshale, un jeune commerçant ougandais, bien accroché au dos d'un porteur. Selon lui, les Ougandais avaient peur auparavant que les transporteurs congolais les jettent dans l'eau à mi-chemin. Ou de se voir fracasser la tête contre une pierre. "A cette époque, tous les Ougandais étaient considérés comme des envahisseurs", soutient Ibrahim, membre de la Croix rouge du district de Kasese, en Ouganda. Allusion faite aux soldats ougandais qui avaient accompagné feu Désiré Kabila dans sa guerre contre Mobutu et aux affrontements qui ont eu lieu entre les armées ougandaise et rwandaise sur le sol de la RDC. "A force de nous fréquenter dans notre travail ici à la rivière, nous avons finalement compris que nous formons une même famille", révèle Ushindi Thembo, un transporteur congolais, qui ajoute que quand une voiture ou un camion peine à traverser, les deux groupes s’associent pour la pousser et à l’amiable, se partagent le montant payé. A la fin de la journée, un porteur peut gagner en moyenne 10 000 shillings, soit 5000 Fc (5$).

 Sûr et pas cher

"Je me demande pourquoi je prendrais le risque de glisser sur une pierre, de me blesser ou d'être complètement mouillée, alors qu’il y a des jeunes qui peuvent nous faciliter la traversée", s’exclame Kave Kezegebe, une Congolaise qui vient de traverser à dos d'homme après un week-end passé à Bundibugyo en Ouganda. "Pas besoin de se déshabiller et cela ne coûte presque rien", ajoute-t-elle. Le prix de la traversée varie en fonction du poids du client, entre 200 et 500 shillings, soit 100 et 200 FC (0,15 et 0,25$).

"Je pense que le job de porteur est une façon pour ces jeunes de s’occuper, plutôt que d’adhérer aux groupes subversifs qui foisonnent dans la région", souligne un Ougandais qui se rend au marché de Nobili. Des informations qui circulent dans la région laissent entendre que des Chinois projettent de construire une route asphaltée qui partirait de l'Ouganda et s'avancerait jusqu’à 15 km en chefferie Watalinga, en RDC et donc qu'un pont serait jeté sur la rivière. "Pas pour éliminer notre travail, mais plutôt pour nous donner la chance de prester en tant qu’ouvrier dans une entreprise qui paie bien", se réjouit d'avance Muhindo Kombi, un transporteur congolais qui attend ce jour avec impatience. Pour lui, "la traversée au dos a permis de tisser des relations avec mes collègues ougandais et avec les passants. Mais, reconnaît-il, les recettes ne constituent pas une garantie pour l’avenir". 

 

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