20 Avril 2020
Accusée d'avoir collecté les données de dizaine de millions d'utilisateurs à des fins de manipulation politique, la société Cambridge Analytica avait annoncé dans un passé récent, qu'elle mettait fin à ses activités. Sa réputation en lambeaux, la société britannique annonçait son sabordage en 2018 devant le monde entier. Alors que les internautes Africains commençaient à tourner la page de cette douloureuse expérience, de nouveaux éléments issus de quelque 100 000 documents dévoilent l’étendue de nouvelles opérations orchestrées par Cambridge Analytica. Dans les pays où, les campagnes électorales se font à travers les médias, de récentes révélations montrent que Cambridge Analytica continue de démarcher des clients notamment sur le continent africain. En Afrique, Cambridge Analytica, s’était fait connaitre en 2013 et 2017 pour avoir conçu la campagne politique du président Uhuru Kenyatta.C’est ainsi que Cambridge Analytica collectait pour le parti au pouvoir des données ayant servi à asseoir la stratégie de campagne de l’homme fort de Nairobi.Au Nigeria,l’ex-Président Goodluck Jonathan a pour sa part eu à déclarer qu’il ignorait l’existence des services de la société de conseil en communication britannique auprès de son parti politique.Or, Cambridge Analytica avait pris en main l’organisation complète de la campagne électorale de 2015 pour Goodluck Jonathan.
A cette époque, un ancien employé de Cambridge Analytica avait révélé à la presse que la mission au Nigeria était payée par une personnalité nigériane, en l’occurrence une des plus grosses fortunes du pays.Ce dernier, paniqué à l’idée d’un changement de régime mis la main à la poche pour que les élections tournent en faveur du président sortant de l’époque Goodluck Jonathan.Le milliardaire nigérian aurait ainsi signé un contrat avec Cambridge Analytica pour diffuser des vidéos dépeignant entre autres, Muhammadu Buhari comme un musulman extrémiste.Après le scandale engendré par les révélations sur ses pratiques sulfureuses, plusieurs têtes pensantes du groupe ont très vite pris la décision de quitter le navire alors qu’il était en train de sombrer.Quelques hauts dirigeants de la société qui était à l’agonie ont ainsi rejoint une autre compagnie du nom d’Emerdata.Crée sur les cendres de Cambridge Analytica en 2017, la firme est spécialisée dans le traitement des données. Au sein d ’Emerdata, l’ex directeur général de Cambridge Analytica s’y est fait inscrire comme administrateur. Il en est de même pour le président de SCL Group, société mère de Cambridge Analytica. Autre fait troublant, la nouvelle société Emerdata, partagerait une adresse dans un quartier d'affaires de Londres avec SCL Group, société mère de Cambridge Analytica. Pour le Dr Qemal Affagnon, les nouvelles révélations au sujet des activités de Cambridge analytica montrent que le moment est opportun pour que les Etats Africains demandent plus de garantie à Facebook concernant la protection des données des internautes africains.
Or regrette il, au Nigeria, les autorités peinent à promulguer une loi sur les droits numériques, un projet défendu par Paradigme Initiative, une ONG qui travaille en étroite collaboration avec Internet Sans Frontières.«Ces dernières années, on a vu Facebook érodé à plusieurs reprises la vie privée des internautes Africains tout en continuant de fructifier des millions de données dans la plus grande tranquillité.Facebook a ainsi mis la main sur le répertoire des contacts de plusieurs millions d’abonnés mobiles y compris ceux qui ne disposent d’un compte Facebook.Cette opération qu’on peut qualifier de hold-up a permis à l’entreprise de récupérer les numéros des correspondant de millions d’abonnés mobiles,les dates, heures, les durées de leurs conversations téléphoniques et leurs SMS émis depuis des portables Android. Pourtant ces données n’appartiennent pas à Facebook s’est exclamé le responsable Afrique de l’Ouest d’Internet Sans Frontières.Dans le même temps, c’est cette entreprise qui entend désormais former des entrepreneurs en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Cameroun, en République Démocratique du Congo, au Bénin et en Guinée Conakry avec la bénédiction des gouvernements de ces différents pays » .Pour le Dr Qemal Affagnon, le fait que Facebook soit en mesure de mettre la main sur les données des abonnés mobiles qui ne disposent d’un compte Facebook fait craindre le pire. «Ces données a-t-il dit sont issues des traces que les individus laissent sur une application qui consomme peu telle que Whatsapp par exemple.Ça donne une ampleur du volume de données manipulable à des fins de propagande politique dans les pays Africains où, Whatsapp qui appartient également à Facebook est utilisé par certaines populations analphabètes dans leur langues nationales».Cette année, plusieurs scrutins seront organisés sur le continent africain, notamment dans l'espace francophone. Au-delà des menaces de manipulation qui pèse sur ces scrutins, la faible protection des données personnelles met en péril l’exercice des libertés individuelles dans des pays où, le téléphone mobile est le canal de communication par excellence.
Laurent Batonga