Tchad:Massacre de Tiré: la trouille des élites Ouaddaiennes.

L'habitude est une seconde nature et en vingt six ans de règne, cette catégorie des personnalités qui décide de tout et de partout, fait la pluie et le beau temps dans chacune des régions ou localités qui composent le Tchad. On le nomme poliment "élites de telle ou telle entité".

En effet, il faut bien le préciser qu’au Tchad d'Idriss Deby Itno, lorsqu’un événement, qu'il soit heureux ou malheureux survient dans une région quelconque, les premiers à se précipiter sur le lieu sont d'abord les enfants de la dite région surtout les icônes, les visibles c'est à dire ceux qui sont distingués par leur position sociale ou politique et ont une réelle influence sur la vie de la nation tout entière. Ils sont des Haut fonctionnaires de l'état, des chefs traditionnels, des commerçants de premier ordre, des élus ou des membres du parti au pouvoir compris sous le vocable de chefs de file.Le Ouaddaï (Abéché comme ville principale ; N.D.L.R) en regorge autant, allant des florissants " business men " aux cadres et hommes politiques, sans oublier les chefs traditionnels et religieux.

Voilà pourquoi aux élections présidentielles du 10 avril 2016, ils étaient tous dans leur base, entendez par là leurs villages, leurs cantons et dans d'autres endroits où ils justifiaient leur appartenance à leur communauté voire leur nativité. Tous étaient y donc venus pour annoncer la bonne nouvelle non pas celle de la venue sur terre de Jésus Christ, mais plutôt une invite à un monde rural aplati par la misère, le manque d’eau, de soins médicaux et d'autres besoins de base. Un monde rural livré à la merci de gangstérisme administratif et militaire...C'est à ce monde ci qu'ils ont demandé d'exprimer sa voix pour la continuité de son asservissement. Heureusement pour eux, car conscients de l’état de leurs populations abandonnées et refusant de faire le jeu mafieux de réservoirs électoraux pour le compte d'un régime qui les a tant écrasés et réduit en sous hommes, les paysans Ouaddaïens ont désavoué leurs élites en choisissant la voie du changement démocratique incarnée par des candidats de l'opposition qui paraissaient à leurs yeux dignes de confiance. Leur suffrage -le vrai- fut transmis à monsieur Deby Itno par le biais de l'une de ses officines chargées de lui rendre compte, quitte à la Commission électorale nationale indépendante (CENI) de bourrer les urnes et de travestir le vote. Dès lors, la région ouaddaïenne(Ouaddaï) revient à l'œil du cyclone comme dans les années 93 à 97 après la succession des événements de Gninglim et de la rébellion du Front National du Tchad(FNT).

C'est ainsi que le pouvoir du Mouvement Patriotique du Salut (MPS) a mis un plan pour le moins machiavélique. Il a créé une situation d'insécurité dans la région en permettant à quelques nomades manipulés et armés par lui-même, d'investir des champs des paisibles citoyens au moment où ceux-ci étaient en période de récolte. Le 10 décembre 2016, trois villages attaqués au même moment par des hommes armés venus la plupart d'entre eux de la ville d'Abéché. Et lorsque certains parents des victimes informés depuis la ville voulaient se rendre sur les lieux, ils tombèrent à nouveau dans une embuscade.La simultanéité de ces attaques indique clairement que ce jour, un plan de déstabilisation de la région est enclenché. De l'aveu d'un chef traditionnel Ouled Malick qui reconnaît les liens historiques et la bonne cohabitation ayant prévalu depuis des longues années avec les sédentaires, toutes ces scènes macabres relèvent d'une machination politique ficelée depuis les salons huppés de la capitale.C'est pourquoi, jusqu'à aujourd’hui ceux qui ont endeuillé Tiré, Atoulo et Chigchiga ne sont ni arrêtés ni identifiés et personne ne sait exactement qui sont ils? Et quelles sont leurs motivations? C'est à se demander si le Tchad sous Idriss Deby Itno a cessé d'être un Etat au sens étymologique du terme pour devenir une jungle.

De toute évidence, ces événements douloureux ont ouvert les yeux de la plupart des Ouaddaïens sur la situation de leurs élites qui se sont emmurés dans un silence de cimetière. Les premiers à être sur les lieux du drame pour secourir leurs parents étaient des citoyens ordinaires, des petits marchands, des débrouillards et des habitants de différents villages du Ouaddaï. Les gros bonnets et les grosses fortunes "made in MPS " habitués à répondre présents quand il s'agit de la fièvre électorale, se sont fait mouiller d'une douche froide. L'ancien ministre des finances Atteib Doutoum, natif de Tiré, a préféré accompagner son épouse pour une villégiature à Paris que d'être aux côtés de ses proches endeuillés. Le très controversé ministre Ahmat Mahamat Bachir, connu pour sa langue fourchue et son agressivité à l'endroit de l'opinion publique, a débouté la demande de secours adressée par ses parents en détresse. Les députés de la localité Brahim Bao et Habib Hissein introuvables et injoignables. Plus grave est le cas du docteur Mahamat Adam Doutoum, chef de canton Guéri, lieu de la tragédie qui, sans observer une minute de silence en mémoire des victimes, s'est mis à publier sur Facebook ses photos prises au cours d'un séminaire qu'il a dirigé en qualité de directeur de l'institut Afro-arabe de Bamako(Mali). L'ex-ministre de l'intérieur Abderahim Bireme et autres pontes du MPS(le parti de l’actuel président tchadien) particulièrement Abyangou, Abdelhag Abderahim, Yacoub Mahamat Abdoulaye etc… amorphes et aphones. Tous ont démontré de manière très précise et déterminée (A+B) qu’ils sont au service de l'homme qui les a fabriqués de toutes pièces et ne sont redevables à aucun cas, à un pauvre paysannat, objet d'exploitation politique et malléable pour leur compte. Et l'histoire enseigne qu'une vache dépourvue de queue aura toujours le secours de Dieu pour chasser les mouches à se poser sur elle.

                          Correspondant spécial Ahmat Yacoub Adam/15/01/2017