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REGARDS D'AFRICAINS DE FRANCE

Informer sans travestir ni déformer, c'est notre combat !

Liberté de la presse : "Il est plus difficile de harceler trois ou quatre médias qu’un seul", Cléa Kahn-Sriber,Responsable du bureau Afrique de Reporters Sans Frontières

Responsable du bureau Afrique de Reporters Sans Frontières (RSF), par ailleurs experte en résolution des conflits et droits de l’Homme, Cléa Kahn-Sriber a bien voulu pour la deuxième fois, éclairer nos lecteurs sur les activités de son organisation.

 

Quelles sont les dispositions prises par RSF lorsqu’un journaliste est menacé ou incarcéré dans un pays ?

 

Cléa Kahn-Sriber: Dés que nous avons l’information nous lançons des vérifications pour être certains de l’infos et mieux comprendre le contexte. Nous tentons de contacter les collègues, l’avocat ou la famille du journaliste pour savoir de quoi il a besoin et s’il souhaite que nous rendions son cas public. Puis nous décidons de la meilleure façon de défendre le journaliste : publication, appel direct aux autorités.. Les réponses varient en fonction des situations.

 

Entretenez-vous et de quelle nature des relations avec d’autres organisations préoccupées autant que vous du sort des journalistes à travers le monde ? Lesquelles par exemple ?

 

Bien sûr nous sommes en contact avec le Comité de Protection des Journalistes( CPJ), Article 19 et d’autres organisations plus généralistes telles que  Human Rights Watch ou Amnesty Internationale.

 

Vous procédez annuellement au classement mondial de la liberté de la presse. Quel bilan faites-vous ces dernières années en matière de la liberté de la presse en général et en Afrique en particulier ? Que peut-on retenir de l’année 2016 ?

 

L’année 2016 a été marquée par des coupures répétées d’internet dans de nombreux pays, spécialement autour des échéances électorales ; un repli de certains pays vers des législations anti-terroristes souvent instrumentalisées pour museler la liberté d’information. On voit aussi que sur le continent les réseaux sociaux prennent de plus en plus le relais de la presse « traditionnelle » dans les pays où cette dernière est muselée.

 

Que répondez-vous aux nombreuses critiques de certains pays mettant en cause la crédibilité et l’impartialité du classement mondial de la liberté de la presse ?

 

Etonnement, ce ne sont pas les pays bien classés qui critiquent le classement de RSF. Il faut savoir que le Classement de RSF est établi en fonction de critères multiples, dont le pluralisme, la législation en vigueur, ainsi que les exactions. La violence contre les médias n’est pas le seul critère, ce qui explique que parfois on retrouve un pays plus bas ou plus haut que là où on l’attendait. Il faut aussi dire que ce n’est pas RSF qui établi les Classement mais les journalistes que nous interrogeons dans tous les pays concernés qui, à travers un questionnaire, déterminent le score de leur propre pays.

 

Que leur dites-vous justement de faire pour figurer dans la catégorie de bons élèves dudit classement ?

 

Assurer le pluralisme des médias, avec un système qui permet à toutes les voix de se faire entendre, une législation qui dépénalise les délits de presse, l’abstention de violences arbitraires contre les journalistes ou de persécutions judiciaires ainsi que des poursuites en justice de ceux qui se rendent responsable de crimes contre les journalistes : ce sont certains de domaines à travailler.

 

Une liste de trente-cinq prédateurs de la liberté de la presse figure sur votre site rsf.org. D’autres Chefs d’Etat, des organisations mafieuses et criminelles peu ou prou-hostiles au monde des médias sont épargnés comme le cas des présidents Idriss Deby Itno du Tchad,  Paul Biya du Cameroun et autres. Sur quoi vous fondez-vous pour séparer le bon grain de l’ivraie ?

 

30 prédateurs, c’est évidemment un chiffre limitant. Cela veut dire six (6)par zone géographique, il a fallu faire un choix qui, pour l’Afrique, s’est notamment fondé sur les pays où les médias ont été anéantis, soit là où les journalistes sont victimes de graves violences physiques.

 

Qu’en est-il de la situation particulière du Tchad, placé 127ème dans le classement mondial de la liberté de la presse 2016 ? Que faites-vous concrètement sur le terrain en faveur des journalistes injustement incarcérés, et plus généralement menacés ou intimidés par les autorités du pays?

 

Comme expliqué plus haut, nous pouvons leur venir en aide en leur proposant des solutions d’assistance directe, ou en faisant pression sur les autorités.

 

Confirmez-vous les informations véhiculées par certains médias locaux et réseaux sociaux, selon lesquelles les autorités du Tchad via l’ambassade basée à Paris vous auraient refusé le visa d’entrée ?

 

En 2013 et en 2014, les autorités tchadiennes n’ont pas accédé à notre demande de visa, en rajoutant sans cesses des conditions et des documents à apporter au dossier. Nous n’avons pas réessayer depuis, mais ,nous espérons pouvoir visiter le pays bientôt .

 

Que pouvez-vous nous dire à propos des raisons de ce voyage, les motifs du refus de visa et les impacts de cette affaire ?

 

La première demande a eu lieu alors que trois journalistes étaient sous les verrous. Nous voulions lui rendre visite. Nous n’avons jamais reçu une notification officielle du refus, donc pas de raison non plus.

 

Vous avez sûrement gardé le même correspond de RSF au Tchad. Dans quelles conditions vos prédécesseurs, Léonard Vincent ou Ambroise Pierre l’ont choisi ?

 

 Je ne sais pas

 

Selon des sources bien informées, votre correspondant au Tchad est fonctionnaire au ministère de la communication et par ailleurs membre actif du parti au pouvoir. Est-il suffisamment fiable et neutre pour vous fournir les bonnes informations ?

 

RSF a bien sûr un correspondant principal, mais le propre de tout journaliste c’est de recouper ses informations. Et c’est bien pour ce que nous faisons auprès d’autres contacts que nous avons dans le pays.

 

Quels sont vos résolutions en termes d’objectifs à atteindre pour l’année 2017 ?

 

L’année 2017 va être chargée, comme les précédentes. Nous allons surveiller de près la situation dans la région des Grands lacs, RDC, Burundi, Rwanda: travailler sur la question de transparence des médias, des fausses nouvelles et bien sûr de la sécurité des journalistes.

 

Quel est votre dernier mot à l’endroit des journalistes potentiellement exposés aux risques des représailles de leurs gouvernements autoritaires?

 

Je pense qu’il est important de développer la solidarité entre journalistes. C’est un métier par tradition assez individualiste, on est tous à la recherche du scoop. Mais pour les informations brûlantes qui peuvent systématiquement attirer des ennuis, une solution peut être de les publier dans plusieurs journaux à la fois, cela renforce l’impact de la news et protège les journalistes ; Il est plus difficile de harceler trois ou quatre médias qu’un seul. Par ailleurs, et c’est peut-être un cliché, mais la première protection des journalistes, c’est l’exactitude de l’information fournie. Donc séparer les faits des commentaires, cela vous rendra irréprochable et donc beaucoup plus difficile à attaquer, et certainement plus faciles à défendre.

 Propos recueillis par Moussa T. Yowanga

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