6 Février 2018
« Le mandat des conseillers municipaux élus par le peuple tchadien prend fin le 2 février 2018. Que deviendront-ils après cette date ? », constate Kébir Mahamat Abdoulaye
L’actualité tchadienne est marquée au début du mois de février par une grogne sociale sans précédent, qui risque de rendre le pays ingouvernable pour le régime d’Idriss Deby préoccupé à défendre mordicus ses acquis et privilèges au lieu de rechercher l’unité nationale afin de juguler la crise économique aux conséquences dramatiques pour les ménages et les travailleurs. Le risque d’une implosion est bien réel si le gouvernement ne prend pas la véritable mesure de la grande colère qui gronde et monte crescendo sur l’ensemble du territoire national. C’est dans ce contexte explosif que l’analyste économique et politique, Kébir Mahamat Abdoulaye n’a pas perdu de vue la problématique relative à la fin des mandats des élus locaux intervenue depuis le 02 février. Il se demande le plus naturellement au monde « Que deviendront-ils après cette date ? ». En réalité, la date est déjà dépassée et, à présent c’est un véritable déni de démocratie dans un pays qui se réclame Etat de droit. Comme par hasard ou simple coïncidence, on s’achemine tout droit vers le modèle de la Guinée, où le mandat des élus locaux est largement dépassé depuis décembre 2010. Les dernières élections locales remontent à décembre 2005.
C’est finalement dimanche dernier que les électeurs guinéens ont retrouvé le chemin des urnes pour élire leurs élus locaux. La conjoncture économique et surtout l’absence notoire de la culture démocratique du régime MPS, sont les arguments susceptibles de justifier la prorogation du mandat des élus locaux et donc repousser aux calendes grecques l’organisation d’élections locales. Le gouvernement ne semble même pas s’en souvenir, moins encore s’en soucier. Et comme dans bien de domaines, la gestion du pays est confiée à une clique d’amateurs, tels des navigateurs Vikings sans boussole. Si la politique est considérée comme l’art de prévoir, le Tchad est gouverné par des hommes sans prévoyance.
Tous sont animés par le seul désir de s’enrichir et de mettre le pays en coupes réglées. Le respect des principes qui fonde la vie démocratique, est le cadet de leurs soucis. Le respect des mandats d’élus locaux et des échéances électorales constitue la pierre angulaire d’un Etat démocratique.Le Tchad s’est engagé dans la politique de décentralisation depuis 2005. Les premières élections locales ont été organisées le 22 janvier 2012. Sans être pessimiste, il n’existe aucun calendrier ni agenda politique de nature à espérer dans les plus brefs délais la tenue des élections locales ou du moins acté le report en bonne et due forme. Sinon le silence quasi coupable du gouvernement met en doute sa capacité réelle de diriger un pays comme le Tchad. Les discussions fort animées et passionnantes autour de la question de fin des mandats des élus locaux proposées par Kébir Mahamat Abdoulaye a connu une forte participation, dont l’ensemble des contributions constituent le 43eme numéro de Parole au peuple.
Mahamat Adoum Ahmat répond le premier sans aucune hésitation:« Les conseillers municipaux vont bénéficier d'un renouvellement bonus de leur mandat au même titre que les députés. L'élection présidentielle nous a coûté 46 000 000 000 FCFA et, il n'est pas possible pour l'heure, d'organiser une quelconque élection ».
Left Ouledhille se souvient des propos antérieurement tenus par le président : « Umberto a dit que les caisses sont vides. Donc pas d’élections...Je pense qu’il prendra un décret pour prolonger leur mandat mais est-ce légale tout ça ? La constitution le permet-elle ? »
Mahamat Abba Bary ironise : « On continue seulement. Il n'y a pas de mandat chez moi une fois que tu es déclaré élu ».
Kébir Mahamat Abdoulaye clarifie les choses en se servant du cas typique de la prorogation du mandat parlementaire : « Cher frère Ahmat Bedei Toullomi, du moins pour les députés, une « loi constitutionnelle » a été votée afin de proroger leur mandat jusqu'à la mise en place d'une nouvelle législature même si c'est assez discutable du point de vue de droit constitutionnel ».
Ahmat Bedei Toullomi voit venir la suite simplement ça ne l’enchante guère : « Donc rien ne les empêcherait de voter encore une autre loi. Sachant que rien ne garantit l’organisation des élections. Nous Sommes déjà habitués aux responsables illégitimes donc les conseillers ont droit aussi aux mêmes faveurs que leurs collègues de l’assemblée. L´on est en droit de se demander la question de savoir, en tant que citoyen peut-on respecter ces institutions dirigées par des gens illégaux et illégitimes ? »
Kébir Mahamat Abdoulaye déplore le vide juridique auquel sont confrontés les élus locaux : « Plus grave pour les conseillers, ils sont dans la parfaite illégalité er illégitimité car leur mandat a pris fin sans aucune loi qui leur permettra de continuer contrairement aux députés. Tous les actes qu'ils posent sont nuls et de non effet. Tout cela fait soulever la question sur l'absence de la planification stratégique dans notre pays ».
Ahmat Bedei Toullomi exprime la déception mêlée à la résignation : « Ainsi la République est devenue Bananière. L’ossature d’une République c’est l’application stricte de la constitution, oups si ça existe encore... Ils seront là illégitimement comme les députés... »
Brahim Adoum estime clairement qu’: « Au Tchad aucune disposition de la constitution n'est respectée »
Mahamat Saleh Koyoma s’interroge : « Qui va les dénoncer dans ce cas, si les députés ont bénéficié du bonus ? ».
Mahamat Abba Bary remet bien les pendules à l’heure : « Kébir Mahamat Abdoulaye, les règles élémentaires de transparence exigent que ces députés ne puissent voter des lois constitutionnelles concernant l'extension de la législature que pour les mandats futurs des élus. Si chacun votait sa propre loi, je voterais la mienne pour être… »
Kébir Mahamat Abdoulaye donne des précisions sur la fin de leur mandat : « Leur mandat de 6 ans a pris fin théoriquement le 12 janvier 2018 après les élections municipales de janvier 2012 ».
Left Ouledhille constate et propose:« Donc depuis ils sont illégitimes à leur poste...on devrait aussi revoir leur salaire et autre. Surtout les fonds qui leur sont alloués. C’est de l’argent que l’on peut reverser aux salariés. »
Kébir Mahamat Abdoulaye soulève un aspect paradoxal :« Leur mandat a pris fin et aucune loi n'est votée pour proroger leur mandat de 6 ans ».
Left Ouledhille se montre ferme et pragmatique : « Beh !, qu’ils dégagent...leurs salaires permettraient de payer les gens. Un moratoire pour le gouvernement...qu’il gère le pays avec les anciens textes. Rien qu’avec des ordonnances...on avance le temps de trouver une solution pérenne... ».
Adoum Issa se sert d’un cas d’école pour montrer l’ambigüité concernant le renouvellement des mandats locaux : « En 2009, je me souviens lors de la soutenance de mémoire en Administration générale d'un étudiant tchadien à Ouagadougou, le compatriote a été tellement confus pour répondre aux questions du jury sur la question des élections communales au Tchad. Dans la théorie, il avait mentionné « l'élection des conseillers municipaux » et dans la pratique il parlait de la « nomination des maires » ! C'était tellement ridicule qu'il ne savait quoi répondre !!!! »
Adam Erdi Betchi constate : « Ils vont aussi voter pour proroger leur mandat. Aucun texte ne donnait droit aux députés de proroger leur mandat. Donc les conseillers aussi peuvent s'octroyer une prolongation de manière illégale. Ainsi on aura un président illégitime, une Assemblée illégitime et des Conseils illégitimes. C'est la République d'Idriss Deby (RID) où la loi n'a aucune valeur ».
Taha Maadjou se range d’emblée au camp des tenants du pouvoir même s’ils restent silencieux : « Avec la situation actuelle on ne peut pas organiser des élections, leur mandat sera prorogé ».
Ahmat DG semble verser dans l’ironie et le désenchantement :« Prorogation ou prolongation des mandats des conseillers municipaux élus ou décrétés comme les députés donc Allons seulement président Kébir !!!Si on appliquait le 10% de tes publications on aurait résolu beaucoup de problèmes ou apporter un début de solutions ».
Kébir Mahamat Abdoulaye continue de faire la pédagogie : «Cher frère Adam Erdi Betchi, suivant les dispositions de l'article 31 de la constitution, l'initiative des propositions ou des projets de lois appartiennent aux députés pour le premier cas et au gouvernement pour le second cas. Donc les conseillers et les maires ne peuvent s'attribuer une prorogation de leur mandat car ils n'ont pas compétence de proposer et voter des lois ».
Rémy Gamo connait déjà la suite de la musique : « Le Tchad est conduit depuis longtemps sans texte ni loi donc ils vont rester comme c'est le cas des députés ».
N’Djaména Soir estime que : « Même les députés dormeurs sont en place jusqu'à là avec un décret et non avec le mandat du peuple. Les conseillers municipaux vont nous narguer aussi en décrochant un arrêté de leur ministère de tutelle ».
Mahamat Kader propose : «Logiquement le gouvernement doit procéder à la nomination ou les hommes de commandement doivent gérer en attendant des nouvelles élections, car c'est un cas d'exception».
Kébir Mahamat Abdoulaye fait une nette distinction entre le mandat législatif et local : «N’Djaména Soir, pour les députés du moins, une loi constitutionnelle a été votée pour justifier leur prorogation jusqu'à une nouvelle législature. Mais pour les conseillers municipaux, il n'existe aucun texte. Par conséquent leur maintien devient illégal et illégitime de facto ».
N’Djaména Soir enfonce le clou : « Kébir Mahamat Abdoulaye, travailler dans l'illégalité dérange peu de gens, ceux qui encouragent cette pratique sont nombreux. Ces conseillers tellement qu'ils n'ont rien fait seront inertes devant ces genres des préoccupations. Un décret pour mieux abreuver davantage ces prévaricateurs suceurs ».
Adam Erdi Betchi dénonce : « Les députés se sont autoproclamés députés après la fin de leur mandat. Ce qui est illégal. Seul le peuple a le droit de leur octroyer ce mandat. Donc ils sont illégitimes aujourd'hui, et agissent dans l’illégalité totale. C'est pourquoi, les Conseillers s'autoproclameront « Conseillers » même après l'expiration de leur mandat. Ils sont mandatés à copier l'exemple des députés ».
François Djekombé pointe aussi du doigt les tares du système : « Très bon rappel, Kébir, on a failli oublier cela, tellement pris sous le feu de l'actualité. Merci de nous le rappeler. Évidemment, les maires et autres conseillers élus pour servir le peuple mais passant tout le temps à se bouffer le nez vont rejoindre le rang des députés mal élus. Finalement, rien ne sera légal au Tchad, sauf le mandat présidentiel où le président Deby s'évertue à ne pas créer de vide juridique. Les autres postes électifs, sont relégués au second rang, donc voilà. On nous dira que les caisses sont vides et donc il faut doubler le mandat des conseillers municipaux, les prochaines élections auront lieu en 2024 si on ne se bat pas».
N’Djaména Soir déclare :« Comme les dormeurs de tourneurs de Gassi, on va prolonger leur mandat et un soir, nos journalistes de la TVT viendront nous lire, ... fait à N'Djamena le.... Février 2018, ... le président ».
Abakar Djibrine se montre réaliste : « On doit leur accorder une prorogation puisse qu’ils soient déjà à la fin de l'échéance et vu les réalités du pays je pense qu'il est impossible d'organiser des nouvelles élections pour mettre en place le nouveau conseil municipal. Monsieur François je pense qu’aux vue des processus engagés par le gouvernement, à la sortie de la concertation nationale les seront faites puisse que pour la nouvelle forme de l'Etat envisagée, il est prévu que deux niveaux des collectivités seront retenus au lieu de quatre pour la décentralisation. Donc pour les entités, on a gardé la province et la commune. Et pour la mise en place de ces structures, il faudrait qu'il y ait élection ».
Choix et commentaire de Moussa T. Yowanga/Ahmat Zéïdane Bichara