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REGARDS D'AFRICAINS DE FRANCE

Informer sans travestir ni déformer, c'est notre combat !

Carnet de route de Nadjikimo Benoudjita : Branle bas de combat, sur la rue des lamentations à Bastos.

Nous sommes apparemment à Yaoundé au Cameroun(N.D.L.R)

Ne la cherchez surtout pas. Cette rue des lamentations, elle est partout et nulle part à Bastos. Il se trouve qu'elle passe, j'allais dire, sous ma fenêtre. Une fenêtre qui donne sur un parvis, d'où me parviennent, des voix; de sous ma fenêtre qui, quoique fermée, a les oreilles grandes ouvertes. Et j'y entends des choses: des confidences d'amour passionnés et éternels, des menaces de ruptures assortis de promesses de suicides, Hum, il faut une âme de curé pour vivre de ma chambre, ces confessions chaleureuses ou chaudes. Je vois, non, vous ne m'en ferez pas dire davantage. Mais, j'en vois aussi, des choses, parfois, de cette fenêtre donnant sur ce parvis, séparé d’un double haie, vive et de grille basse, de la rue! Là, je pourrais vous en dire, mais voyeurs, s'abstenir! Bon, sérieux! Une nuit, à 24 heures passées, je dormais, bercé par mes ronflements quand je me réveille, en sursaut: Des cris! Des cris sourds mais bien perceptibles de voix de femme. Non, pas ces gémissements caractéristiquement typiques d'effets sonores, résultats d'étreintes passionnés. De vrais cris de douleurs, d'une personne meurtrie. Et l'imagination aidant je me disais, « «elle doit être sous le coup de quelque torture machiavélique».

Dix, vingt, trente minutes, comme un refrain, les cris, sourds, irradiants, traversaient la paroi de ma chambre et me harcelaient. Tout d'un coup, j'ai pensé au 911 ! J'empoigne mon téléphone, mais le temps de le porter à l'oreille et ça fait tilt dans ma tête. « Tu n'es pas au Canada » me dit une voix. Alors je compose le numéro de la logeuse. « Bip! Bip! Bip! Votre correspondant est indisponible, veuillez rappeler ultérieurement».Je raccroche, embarque dans mes culottes et m'apprête à descendre pour voir cet énergumène tortionnaire et surtout ne pas être taxé de non assistance à personne en danger, quand, silence! Les cris cessèrent, remplacés par des rires, du même timbre de voix. Bête. Je me suis senti tout bête. Autre jour, autres lamentations. Ce matin, 8 h, je sors de ma douche quand j'entends de la rue, des interpellations inhabituelles, des pas de courses. «  Vite, vite, vite! Cachez-vous, cachez les choses, ils arrivent. Le souffle coupé, je lorgne par le rideau et vois, mes voisins et voisines, propriétaires des 4 échoppes d'en face de la ruelle, courir dans tous les sens; qui un bébé derrière le dos, qui un carton de quelque chose et, la plupart, vidant leurs étales et s'activant à fermer les portes.

Toutes les mines graves, l'air apeuré. En 10 minutes, la rue fut désertée et moi, ma valise prête, j'allais appeler mon siège. Mais silence. Je sors, me hasarde dans la rue, une petite chemise en main avec mes documents sérieux, de voyage et diplômes. Mais sans ma valise. Faut pas paraître suspect et surtout, porter léger, en cas de...Bruits de moteurs. Deux 4/4, l'une estampillée »mairie de, et l'autre avec, à bord deux messieurs bien mis. Dans les malles arrière des agents de la police municipale. En peu de temps, un brouhaha, s'élève. Les portes claquent, sont scellées de cadenas, d'autres sont ouvertes bruyamment; des altercations et injonctions fusent. Des bandeaux de papiers jaunes, sont collés ostensiblement sur les portes cadenassées. Les femmes, mes voisines et propriétaires des échoppes dont le stratagème n'a pas fonctionné, rappliquèrent, gémissant, les bras sur la tête, tentant de confondre de leurs suppliques, des fonctionnaires imperturbables...rien n'y a fait. Les voitures sont réinvesties par leurs occupants et, calmement, redémarrent. Fin de l'épisode. Les lamentions et protestations, sourdes, reprirent...

Contribution spéciale de Nadjikimo Benoudjita,ancien Directeur de Publication du journal tchadien Notre Temps
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