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REGARDS D'AFRICAINS DE FRANCE

Informer sans travestir ni déformer, c'est notre combat !

Interview (Bordeaux-Abidjan) : «Aujourd’hui, je vis en France et j’apprécie la vie française, sans oublier ma Côte d’Ivoire natale. », avoue l'Ivoirienne Akouassi Agnès Kouleon, secrétaire générale de l’Association Assoencore.

Regards d’Africains de France a le grand plaisir d’informer son lectorat qu’il renoue avec sa rubrique  «Interviews » après un passage à vide lié à un certain nombre des impondérables de la vie. Akouassi Agnès Kouleon,  femme à plusieurs casquettes et d’origine ivoirienne,  a bien voulu se livrer à cœur ouvert.

Regards d’Africains de France : Merci d’avoir accepté cet entretien. Avant de continuer plus loin, voudriez-vous succinctement évoqué votre parcours universitaire et professionnel ?

Akouassi Agnès Kouleon : Originaire de la Côte d’Ivoire, je suis une communicante d’une dizaine d’années d’expériences. J’ai fait toutes mes études secondaires et supérieures dans mon pays. Après avoir soldé la fin de mes études en 2006 par un master en publicité marketing, j’ai exercé 4 ans comme conseillère clientèle et ensuite directrice du premier centre de loisirs ivoirien (centre de loisirs les nouvelles générations 2008-2010). En 2011, suite à la crise post-électorale qu’a connue mon cher pays, ma famille et moi avions décidé de s’expatrier. Venir vivre en France. Commence alors mon aventure dans l’associatif. Je suis depuis 2012 la secrétaire générale de l’association Assoencore (EN.CO.RE)dont l’acronyme signifie Encourager-Coordonner-Responsabiliser. Assoencore est une association loi 1901 dont l'objet est la promotion et la valorisation des savoir-faire. Pour cela, nous mettons en place des plateformes d'expression, d'échange et diverses actions, pour permettre aux uns et aux autres de faire connaître ou reconnaître leurs talents. Notre but étant de montrer une autre image de l’Afrique que celle véhiculée par les médias et qui contribue à renchérir les préjugés et anecdotes sur les noirs. Nos projets sont entre autres : Kanian Magazine, les Trophées Kanian (récompense des talents noirs de Bordeaux métropole), les voyages : B2B, tourismes (en France ainsi qu’en Afrique), les conférences sur les enjeux africains de demain, la Nuit du costume africain (7ème édition en avril 2019). Depuis 2017, je suis donc la rédactrice en chef du magazine KANIAN (lumière en langue Akan) qui est le premier magazine noir de Bordeaux. Voilà une brève présentation qui pourra, je l’espère vous servir de base pour vos questions.

Comme nous le constatons, vous faites beaucoup de choses à la fois. Comment faites-vous pour y arriver ?

Comme vous le dites, j’ai beaucoup de projets mais tout de même des projets qui se complètent, des projets complémentaires. Comment j’y arrive ? Il y a une célèbre citation de Confucius qui dit : «choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez pas à travailler un seul jour de votre vie». Cela peut paraître énorme mais avec la passion je ne vois plus le temps passer encore moins la charge de travail.

Surtout vous vous êtes installée à Bordeaux en France loin de l’Afrique et surtout de votre Côte d’Ivoire. Est-il un motif supplémentaire pour vous de travailler encore plus dur ?

Que vous soyez à Bordeaux ou à Abidjan, vous devez vous battre pour pouvoir assurer votre quotidien et celui de votre famille. Il vous faut bosser dur. Aujourd’hui la crise économique n’est plus limitée à un seul continent. Elle s’étend même dans des pays les plus développés. Il vous faut travailler pour le compte de quelqu’un, dans ce cas, vous réalisez son rêve (et vous-même indirectement), ou à votre propre compte et vous réaliserez le vôtre !  Et moi j’ai fait le choix de travailler et de réaliser mes rêves. Pour cela, il me faut travailler doublement. Encore heureuse que je sois accompagnée par un super collaborateur qui a toujours de la suite dans les idées et qui soit toujours productif.

D’où vous proviennent une telle force et expiration ?

J’ai vécu en Afrique (en particulier en Côte d’ivoire), je connais les bons et les mauvais côtés de choses. Comme il en existe dans tous les pays. Cependant, étant en France, les médias ne présentent qu’une infime partie des réalités africaines. Et comme personne d’autres que « toi ne dira que tu es beau », nous nous sommes assignés la tâche de montrer le génie, les talents, la beauté, la richesse, la joie, l’hospitalité et la fierté africaine. Voilà mon inspiration !

Avec un tel bagage intellectuel et de talents à quoi bon vivre simplement à Bordeaux  et non à Paris ?

Pourquoi Bordeaux ? Tout d’abord, c’est la ville d’adoption de mon époux qui y vit depuis plus de vingt ans maintenant. Pour parler de mon talent qui reste confiné à Bordeaux, trois raisons m’animent : La première, pour sa qualité de vie et son attractivité. D’ailleurs, elle est classée meilleure destination au monde selon le Los Angeles Times et la ville la plus attractive selon le Lonelyplanet. Il fait bon vivre à Bordeaux et je suis loin du stress parisien. La deuxième raison est qu’aujourd’hui avec le développement des réseaux sociaux, l’uberisation ainsi que tous les progrès technologiques observés, nous ne sommes plus limités à un espace géographique. Les projets prennent naissance à Bordeaux mais dans leur développement pourront s’étendre à travers d’autres villes et pays. Le magazine Kanian en est un exemple. On le retrouve sur internet.  Les applications créées à Bordeaux peuvent être téléchargées partout dans le monde. Pour finir, les activités que nous menons sont novatrices dans la région. Nous pouvons alors, nous targuer de dire que pour certains projets, nous sommes les précurseurs.

Vous le dites de vous-mêmes : « suite à la crise post-électorale qu’a connue mon cher pays, ma famille et moi avions décidé de s’expatrier. Venir vivre en France ». Pourriez-vous nous en dire davantage pour une meilleure compréhension ?

Comme vous pouvez le savoir, la Côte d’ivoire a connu des heures très sombres qui ont endeuillé des milliers de familles. Heureusement pour nous, nous n’avions pas été touchés par ces disparitions, mais avions été fortement traumatisés. Nous avions à l’instar d’autres personnes eu le privilège de nous reconstruire loin du pays et c’est ce que nous avions fait. Cela dit, ce n’est qu’un au revoir et non un Adieu ! Je reste très attachée à mon pays, et je compte y retourner un jour.

En consultant votre espace Facebook, nous découvrons plusieurs photos de vous avec le maire de Bordeaux Alain Juppé, êtes-vous proche de lui ? Et finalement cela fait-il de vous l’Africaine la plus heureuse de Bordeaux en termes de réussite sociale ?

J’ai eu l’occasion de participer à des événements où le maire nous a honorés de sa présence. Je ne suis pas une intime mais vu mes activités je suis amenée à le rencontrer. En plus, nous avons la chance d’avoir un maire engagé et très proche de sa population et qui participe aux événements organisés par les acteurs de la vie locale. Je n’aurais pas la prétention de dire que je suis l’Africaine la plus heureuse de Bordeaux en termes de réussite, mais je fais mon petit bonhomme de chemin et j’aime ce que je fais. Je m’épanoui à travers mes projets et j’en suis fière.

Vous êtes apparemment très occupée du point de vue professionnel. Et la vie de famille dans tout ça ?

Ma vie personnelle pourrait se confondre avec ma vie professionnelle vue que je travaille avec mon époux. Il est mon collaborateur et bras droit. Ne vous inquiétez nous arrivons à parler d’autres choses que de projets. Nous avons deux enfants et nous mettons un point d’honneur à leur consacrer du temps. Cela n’en a pas l’air, mais je passe énormément de temps avec eux.

Akouassi Agnés Kouleon vit déjà depuis quelques années en France, a-t-elle déjà obtenu la nationalité française. Si oui ou non, pourquoi ?

Je suis Ivoirienne, c’est vrai que j’ai l’opportunité de demander la nationalité mais pour l’instant cela n’est pas une priorité.

Et d’ailleurs, la vie est-elle plus belle à Bordeaux qu’à Abidjan, la capitale de votre cher pays ?

Il m’est impossible de comparer la qualité de vie de ces deux villes. Je pourrais dire cela dépend des objectifs, de l’état de conscience et des émotions du moment. Aujourd’hui, je vis en France et j’apprécie la vie française, sans oublier ma Côte d’Ivoire natale. Mes parents, mes amis y vivent toujours. Tout de mon pays me manque. Les odeurs, la nourriture, le dynamisme, ses hommes, ses femmes, sa population, son bruit…Je suis heureuse en France près de ma famille comme je pourrais l’être chez moi au pays.

Un autre point important concerne les conférences sur les enjeux africains de demain, dont vous en avez parlées. De quoi s’agit-il concrètement ?

Les enjeux africains de demain, tout simplement pour parler du développement du continent avec les africains, selon nos codes, nos réalités, nos cultures et non pas celles imposées par l’Europe.

«J’ai fait toutes mes études secondaires et supérieures dans mon pays ».C’est vous qui le dites. Regrettez-vous de ne les avoir pas faites à Bordeaux? Et si tel était le cas, auriez-vous eu les mêmes projets pour l’Afrique et les Africains de la diaspora ?

Je vous l’ai dit, c’est un concours de circonstance qui a fait que je sois venue vivre en France. Je suis fière de mon parcours. Je ne regrette rien. Certes pour certaines formations l’on est obligé de s’expatrier afin de bénéficier de la reconnaissance internationale mais là, que ce soit moi ou une autre personne, à un moment si ton pays ne te donne pas la possibilité de continuer ta formation, tu seras amené à partir. Que je fasse mes études en Afrique ou en France, je ne regretterais rien. Maintenant, l’interrogation est de savoir si mes compétences seraient utiles à mon continent ou pas. Et là pas besoin de discours, observez juste mes projets. Les projets que j’ai, sont déjà pour l’Afrique et pour les Africains : promotion et valorisation des savoir-faire, mise en lumière de la communauté noire de Bordeaux à travers l’entrepreneuriat, la culture, la mode, l’histoire, le style de vie.

«Je suis depuis 2012 la secrétaire générale de l’association Assoencore (EN.CO.RE), dont l’acronyme signifie Encourager-Coordonner-Responsabiliser». Dites-vous. Pourriez-vous nous en dire davantage ?

L’association Assoencore est une association loi 1901 créée en 2001, donc qui a 17 ans aujourd’hui. Son objet est la promotion et la valorisation des savoir-faire dans divers domaines tels que : l’éducation (mise en place de projets pédagogiques), l’art (organisation de défilé de mode), l’agriculture (accompagnement de coopératives) etc. Les champs d’actions étant divers.

Vous êtes en France dans un beau pays où la liberté de croyance est garantie par la Constitution. Où vous situez-vous par rapport à Dieu, autrement dit croyez-vous en Dieu ?

Je crois en une puissance divine, je travaille avec énormément de personnes. A un moment, il faut être le plus neutre possible sinon on ne s’en sort pas. Ma foi et mes convictions religieuses restent personnelles. Cependant, si nous voulons parler d’africain, je serais pour le retour de notre religion, celle pratiquée par nos ancêtres avant l’esclavage et la colonisation. Après le reste je n’aurais pas la prétention de commenter les religions dites révélées.

Si un jour l’actuel maire de Bordeaux vous demandait spontanément de comparer objectivement Abidjan à Bordeaux, le ferriez-vous bien volontiers ?

Je lui demanderais d’être plus explicite en me donnant les critères de comparaison. Exemple : du point de vue croissance économique, démographie, santé (mortalité, naissance…), hospitalité, joie vivre, débrouillardise, …C’est comme si on me demande de comparer deux artistes qui ont des styles musicaux différents. Tu ne peux pas comparer la Rumba au Hip Hop alors que chacun a ses adeptes !

Selon nos informations, vous êtes une femme battante qui ne se repose que lorsque la nuit vous dicte un sommeil réparateur. Sont-elles des habitudes acquises à Bordeaux ou depuis l’Afrique, le continent des femmes en difficultés ?

Pourquoi le continent des femmes en difficultés ? Selon quelle statistique ? Selon quel code ? Quelle réalité ? En Afrique, j’ai toujours vu ma mère se lever très tôt. Avant même que le coq chante. Elle a travaillé dur, multiplié les petites activités pour subvenir à mes besoins. C’est tout aussi normal de travailler dur pour subvenir à ceux de ma famille. De plus, je vis en France avec des enfants qui grandissent selon les codes et les repères européens. Les actions que je mène me permettent de leur montrer cette part d’Afrique riche et belle. La tête en Europe mais les pieds profondément enracinés dans leur origine.

Vous prévoyez d’organiser la 7ème  édition de la Nuit du costume africain en avril 2019, la presse nationale et internationale seront-elles invitées ?

Oui bien sûr…c’est le but que ces événements soient vus et entendus par le plus grand nombre. Que cela fasse du bruit et que la culture africaine soit connue de tous. Que la mode africaine ne soit plus considérée comme déguisement en Europe comme en Afrique. Aujourd’hui le Burkina Faso impose le pagne tissé comme tenue officielle.

https://www.africatopsuccess.com/2018/01/09/burkina-faso-le-gouvernement-impose-le-pagne-tisse-comme-tenue-officielle/ C’est ce type d’action qui va contribuer à entretenir le patrimoine africain.

«ASSOENCORE est une association loi 1901 dont l'objet est la Promotion et la Valorisation des Savoir-faire. Pour cela, nous mettons en place des plateformes d'expression, d'échange et diverses actions, pour permettre aux uns et aux autres de faire connaître ou reconnaître leur talent. Notre but étant de monter une autre image de l’Afrique que celle véhiculée par les médias et qui contribuent à renchérir les préjugés et anecdotes sur les noirs ». Sincèrement ce que vous dites ici est-il visible sur le terrain et avez-vous les moyens de vos actions ?

Je n’ai aucune raison de mentir, en plus sur un média…nous asseyons tant bien que mal de poser des actions de promotion et valorisation de notre culture. De porter notre pierre à l’édification d’une Afrique forte. Je ne peux pas changer le monde. Cependant, si par mes actions je peux contribuer à me rendre meilleure et par ricochet mon entourage le plus proche, c’est que ma mission sera accomplie parce que cela fera effet boule de neige. Comme l’adage le dit : tu donnes ce que tu as reçu. Moi j’ai reçu mes convictions d’un père qui clame haut et fort sa tradition. Pendant mon adolescence cela m’embarrassait souvent. Mais aujourd’hui, surtout le fait que je vive en France, je me rends compte de l’importance du patrimoine et du devoir de mémoires pour construire une nation forte. SANKOFA !

Quelques comédiennes sous l’impulsion d’Aïcha Maïga ont publié un livre collectif qui sonne comme un manifeste : « Noire n’est pas mon métier ». Et vous qui faites la fierté d’Alain Juppé, dites-vous le contraire ?

Je suis la fierté d’Alain Juppé, ça c’est vous qui le dites. Je ne suis pas la fierté du maire de Bordeaux. Cependant, il sait apprécier les efforts des acteurs de la vie locale qui contribue au vivre ensemble, au partage, à la diversité et la mixité. Bien évidement qu’être noir n’est pas un métier. Je suis africaine ou d’origine africaine et c’est tout ! L’autre est asiatique, tel autre est américain et puis c’est tout !

Pourquoi vous êtes restée si longtemps (dictature ou sincérité)  au poste   de secrétaire générale de votre association Assoencore ?

Ce n’est ni une dictature ou toute autre forme d’accaparement. Mon époux et moi avions pensé, conçu et entretenu cette association. Tout cela pour dire que nous aimons ce que nous faisons. Nous avons défini une autre forme de collaboration qui fait que nos adhérents interviennent uniquement selon leur aptitude sur un ou plusieurs projets ponctuels. « Les Trophées Kanian (récompense des talents noirs de Bordeaux métropole). Pourquoi et d’où vous proviennent les moyens pour alimenter de telles récompenses ? Les trophées Kanian sont financés par des partenaires qui associent avec grand plaisir, leurs images à cet événement unique en région Nouvelle Aquitaine.

Et tous ces Africains ou noirs  dotés d’incroyables talents et débordants d’initiatives qui écument toute la France, vous préoccupent-ils ?

Nous ne sommes qu’au premier chapitre, c’est sûr qu’avec le temps les critères s’étendront au-delà de la région Nouvelle aquitaine. Pour l’instant, le pari est de faire en sorte que cette cérémonie soit bien enracinée à Bordeaux avant d’envisager une dimension nationale.

Estimez-vous aujourd’hui que les femmes en général et Africaines en particulier se portent-elles bien ?

Les femmes se portent comme elles peuvent. Cela dépend de quels critères. Si l’on veut parler des Droits des femmes dans les années 50 et les Droits des femmes en 2018, bien sûr qu’il y a des avancées positives. Si on veut parler de l’entrepreneuriat féminin, les femmes africaines ont toujours été des chefs d’entreprises. Aujourd’hui, elles doivent s’adapter aux nouvelles règles et à l’évolution du monde pour sortir du secteur informel et se retrouver comme référence en matière d’exemplarité.

Les hommes Africains ou noirs en général sont souvent catalogués comme des robots sexuels. Quelle est votre opinion en tant qu’Africaine ?

Les Africains ou les noirs sont sujets a tellement de préjugés qu’il faut déconstruire. De quels hommes africains parlons-nous? Mon époux, mon père, mes oncles, mes amis, des connaissances…tous sont Africains et je n’ai pas connaissance qu’ils soient juste des robots sexuels ou des personnes qui ne pensent qu’au sexe. Sinon, cette dernière catégorie existe dans tous les continents. Des infidèles, des obsédés, il suffit simplement de suivre l’actualité et/ou de faire des recherches sur internet pour en découvrir une pléthore.

Quel est votre dernier mot de la fin Mme Kouleon ?

Je tiens à remercier le média Regards d’Africains de France pour l’opportunité qui m’est offerte afin de pouvoir m’exprimer et de présenter mes actions. Je souhaite remercier tous les partenaires de l’association Assoencore et toutes les personnes qui de près ou de loin contribuent à faire avancer nos idées. Vous pouvez nous retrouver sur notre site internet : www.assoencore.comwww.kanianmagazine.com et nos différents liens Facebook et Instagram.

 

Propos recueillis par Ahmat Zéïdane Bichara / Moussa T. Yowanga

 

 

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