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REGARDS D'AFRICAINS DE FRANCE

Informer sans travestir ni déformer, c'est notre combat !

Conflits infos : Ce qui sort de chez vous.

Plus que jamais le monde va mal, ça bouge partout. Il n’y a aucune partie du globe où la vie est paisible. Aujourd’hui, l’Amérique latine est en ébullition. Les populations expriment ouvertement leur ras-le-bol face à l’absence aux réponses adaptées à leurs problèmes sociaux, ils s’insurgent également contre le tripatouillage des résultats des urnes comme en Afrique.  Bolivie, chili, Venezuela et Equateur sont des pays en crise, chacun pour des raisons qui lui sont propres mais leur dénominateur commun ce sont les limites du modèle économique actuel. Les gouvernants sont incapables de satisfaire les besoins de leurs concitoyens et refusent parfois de céder le pouvoir à d’autres. Un manque total d’alternance pacifique. La Rédaction vous invite à découvrir ces quelques articles de nos confrères de la RTBF, journal Le Monde, l’Express et RT France pour vous informer de la situation difficile en Amérique latine.

Le Chili est en proie à une fronde sociale aigüe contraignant le président de la république à changer d’équipe gouvernementale, selon la dépêche de l’AFP publiée hier lundi 28 octobre par le site de la RTBF : «Le président chilien Sebastian Piñera a procédé lundi à un remaniement gouvernemental et remplacé les très critiqués ministres de l'Intérieur, de l'Economie et des Finances, dans une tentative d'apaiser la crise sociale. Samedi, au lendemain d'une mobilisation historique contre les inégalités socio-économiques qui avait rassemblé plus d'un million de personnes dans le pays, le chef de l'Etat conservateur avait annoncé un rapide remaniement de gouvernement pour « répondre » à la colère des manifestants. Au total, huit ministres sur 24, soit un tiers du gouvernement, ont été remplacés. Parmi les sortants figure le ministre de l'Intérieur et de la Sécurité, Andrés Chadwick. Ce cousin de M. Pinera faisait l'objet de vives critiques depuis le début de la vague de contestation sociale qui a fait 20 morts, dont cinq par l'intervention des forces de sécurité, et des centaines de blessés. Il est remplacé par Gonzalo Blumel, 41 ans, jusque-là secrétaire général de la Présidence. Le ministre des Finances, Felipe Larrain, est remplacé par Ignacio Briones, un économiste libéral de 46 ans. M. Larrain était jugé déconnecté de la réalité quotidienne de nombreux Chiliens pour avoir déclaré en septembre, en annonçant les bons chiffres de l'inflation, que « les romantiques » pouvaient même acheter des fleurs puisque le prix de ces dernières avait baissé. Enfin, Andrés Fontaine, ministre de l'Economie, est remplacé par le sous-secrétaire aux Travaux publics, Lucas Palacio.

Il avait suscité l'ire de la population en lui conseillant de « se lever plus tôt » pour éviter la hausse du tarif du ticket de métro qui concernait spécifiquement les heures de pointe. Cette augmentation de plus de 3% a été le détonateur de la plus grave fronde sociale depuis plus de trente ans dans ce pays d'Amérique latine. « Ces mesures ne résolvent pas tous les problèmes, mais il s'agit d'un premier pas important », a déclaré M. Pinera depuis le palais présidentiel de La Moneda. « Elles reflètent la ferme volonté de notre gouvernement et l'engagement fort de chacun d'entre nous en faveur d'un Chili plus juste et plus équitable sur le plan social », a ajouté le chef de l'Etat, un richissime homme d'affaires, en fonction depuis mars 2018 après avoir été président une première fois de 2010 à 2014. Plusieurs dizaines de manifestants, rassemblés devant la Moneda, où le trafic automobile a été suspendu en milieu de journée, ont accueilli les annonces du chef de l'Etat aux cris de « Pinera, escucha, andate a la chucha ! » (Pinera, écoute : va-t-en au diable !). Le Chili, pays de 18 millions d'habitants réputé pour sa stabilité économique et politique, est en proie depuis le 18 octobre à une vague de contestation sociale inédite depuis la fin de la dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990).Vendredi, plus d'un million de personnes se sont rassemblées dans le centre de Santiago et dans plusieurs grandes villes du pays pour protester contre les inégalités sociales engendrées par le modèle économique ultra-libéral instauré sous la dictature et jamais remis en cause depuis le retour de la démocratie. Avec ce remaniement, « les durs s'en vont, les doux entrent », a résumé à l'AFP Mauricio Morales, politologue à l'Université de Talca, une référence au remplacement des ministres les plus conservateurs par une génération plus jeune et plus ouverte aux préoccupations sociales. « Il n'y a aucun signe montrant qu'ils souhaitent opérer un changement », a critiqué le sénateur socialiste d'opposition, Carlos Montes. Ces annonces interviennent alors qu'une mission de l'ONU est attendue lundi au Chili pour enquêter sur des allégations de violations des droits de l'Homme, en particulier pendant l'état d'urgence.La mesure, décrétée au premier jour des troubles, a finalement été levée dimanche à 00H00 (03H00 GMT) et les milliers de militaires déployés dans la capitale et dans plusieurs régions -- une première depuis la fin de la dictature -- ont regagné leurs casernes. Santiago offrait lundi le visage d'un retour à la normale, avec de nombreux embouteillages, alors que de nombreuses stations de métro restaient fermées après avoir été endommagées ou incendiées lors des violences. La plupart des écoles ont également rouvert. Les protestataires appelaient toutefois à maintenir la pression sur le gouvernement. Un appel à manifester mardi devant le palais présidentiel du La Moneda circulait sur les réseaux sociaux».

En Bolivie, partisans d’Evo Morales réélu dès le 1ertour affrontent dans la rue les leurs adversaires qui contestent les résultats des élections présidentielles au profit de leur leader Carlos Mesa. Telle est l’information donnée ce jour mardi  29 octobre par le journal Le Monde avec l’AFP : « Huit jours après la réélection controversée d’Evo Morales, partisans et adversaires du président bolivien ont mobilisé leurs troupes dans les rues du pays, et désormais de la capitale, lundi 28 octobre. Les opposants au président avaient prévenu qu’ils feraient de cette semaine un moment décisif, répondant à l’appel de Carlos Mesa, le candidat libéral battu, à envahir la capitale. La contestation a donc gagné La Paz : dès le matin, des riverains ont dressé des barricades pour entraver la circulation dans le sud de la ville, à Achumani, sur l’une des artères principales, entraînant des échauffourées entre chauffeurs de bus et manifestants d’opposition, selon des médias boliviens. De nombreux partisans d’Evo Morales s’étaient également mobilisés. Le président socialiste âgé de 60 ans, au pouvoir depuis 2006 et réélu dès le premier tour pour un quatrième mandat, avait averti que l’opposition préparait « un coup d’Etat ». « C’est le dernier jour pour eux demain », a déclaré lundi soir Evo Morales lors d’un discours devant une assemblée de plusieurs milliers de personnes, dans la ville voisine de La Paz, El Alto. « Ils ont décidé de se rassembler et d’encercler le palais présidentiel. Je ne sais pas si c’est de la violence ou non, mais je suis sûr que les mineurs, les ouvriers du pétrole, les paysans, les ouvriers des usines, les syndicats vont défendre la politique du gouvernement.». Nous allons continuer les mobilisations démocratiques et pacifiques », a de son côté assuré Carlos Mesa. « C’est ou la prison ou la présidence », a-t-il ajouté lors d’une gigantesque manifestation sur une autoroute au sud de La Paz.

Plus de 30 blessés ont été décomptés dans trois villes du pays, à commencer par Santa Cruz où les incidents ont été les plus violents, dont un grièvement atteint par balle, selon un responsable local de la santé publique. Quatre personnes ont été blessées à Cochabamba, selon le quotidien Opinion, et une autre à La Paz, rapportaient les médias boliviens. Toute la journée de lundi, des détonations ont fait trembler les vitres des immeubles de La Paz : des milliers de mineurs acquis au président ont défilé en faisant éclater de petits explosifs. Leur cortège, dans lequel on apercevait de nombreux drapeaux andins, le whipala, ainsi que des Boliviennes en jupes traditionnelles amérindiennes, coiffées du « bombin », était sifflé par les « cols blancs » qui sortaient de leurs bureaux et invectivaient depuis le trottoir les manifestants. Dans d’autres quartiers, derrière des barricades faites de palettes, de gravats ou de meubles, partisans et détracteurs d’Evo Morales se sont affrontés, portant souvent des casques, armés de bâtons, se lançant des pierres, selon les images des télévisions. La police répliquait par des jets de gaz lacrymogènes. « C’est une lutte pour le récit entre ceux qui disent « nous avons gagné de manière écrasante » et ceux qui disent « il y a eu fraude», analysait Sebastian Urioste, docteur en science politique en France, de retour d’une mission d’observation en Bolivie. « Il y a aussi une lutte pour l’occupation de l’espace public et pour empêcher l’autre de se mobiliser. Chacun essaye de démontrer à l’autre qu’il est le plus fort. »

Une conférence ONU-UE sur le Venezuela, met en garde contre l’aggravation de la crise des réfugiés menaçant toute la région, publie ce mardi 29 octobre 2019, le journal l’Express en collaboration avec l’AFP :«La crise politique au Venezuela risque de menacer la stabilité de toute la région a averti un représentant de l'ONU lors d'une conférence à Bruxelles, lundi 28 octobre .La vague de réfugiés en Amérique latine provoquée par la crise politique au Venezuela va s'aggraver l'année prochaine, menaçant la stabilité de toute la région, a averti lundi un représentant de l'ONU lors d'une conférence internationale à Bruxelles. « Les défis à relever en 2020 seront encore plus grands qu'en 2019 », a averti Eduardo Stein, représentant spécial des agences des Nations unies pour les réfugiés et les migrations, au cours de cette conférence organisée conjointement avec la Commission européenne. « Pour l'année à venir, nous prévoyons que le nombre total de réfugiés et de migrants vénézuéliens passera de 4,5 millions à 6,5 millions », a souligné le responsable guatémaltèque.  Les pays voisins ont du mal à accueillir les arrivants et certains gouvernements ont renforcé les conditions d'entrée. Nombre de Vénézuéliens sont contraints à la clandestinité, victimes de la violence et de l'exploitation sexuelle, a-t-il précisé. La conférence de Bruxelles réunit durant deux jours des représentants de l'ONU, de l'UE, des pays d'Amérique latine et des organisations d'aide pour mieux appréhender les besoins spécifiques auxquels les pays voisins du Venezuela sont confrontés. L'envoyé de l'ONU pour les réfugiés et les migrants vénézuéliens, Eduardo Stein, lors d'une conférence de presse, le 20 août 2019 à Bogota, en Colombie La crise politique au Venezuela risque de menacer la stabilité de toute la région a averti un représentant de l'ONU lors d'une conférence à Bruxelles, lundi.

La vague de réfugiés en Amérique latine provoquée par la crise politique au Venezuela va s'aggraver l'année prochaine, menaçant la stabilité de toute la région, a averti lundi un représentant de l'ONU lors d'une conférence internationale à Bruxelles. « Les défis à relever en 2020 seront encore plus grands qu'en 2019 », a averti Eduardo Stein, représentant spécial des agences des Nations unies pour les réfugiés et les migrations, au cours de cette conférence organisée conjointement avec la Commission européenne. « Pour l'année à venir, nous prévoyons que le nombre total de réfugiés et de migrants vénézuéliens passera de 4,5 millions à 6,5 millions », a souligné le responsable guatémaltèque.  Les pays voisins ont du mal à accueillir les arrivants et certains gouvernements ont renforcé les conditions d'entrée. Nombre de Vénézuéliens sont contraints à la clandestinité, victimes de la violence et de l'exploitation sexuelle, a-t-il précisé. La conférence de Bruxelles réunit durant deux jours des représentants de l'ONU, de l'UE, des pays d'Amérique latine et des organisations d'aide pour mieux appréhender les besoins spécifiques auxquels les pays voisins du Venezuela sont confrontés.  Une conférence de donateurs pour mobiliser des fonds afin de les aider pourrait avoir lieu l'année prochaine, selon le ministre équatorien des Affaires étrangères José Valencia. La Colombie, avec 1,4 million d'immigrants vénézuéliens, puis le Pérou (860 000), le Chili (371 000), l'Équateur (330 000) et le Brésil (212 000), sont en première ligne face à l'exode des Vénézuéliens.  Le nombre de Vénézuéliens arrivés en Colombie « a pour conséquence une forte demande de services, de soins de santé, d'assistance et d'éducation, de services pour enfants », a expliqué le ministre colombien des Affaires étrangères, Carlos Holmes Trujillo. L'emprise du président vénézuélien Nicolas Maduro avec l'appui des militaires laisse peu d'espoir pour un règlement de la crise économique, politique et sociale dans ce pays producteur de pétrole. Les Nations unies ont lancé en décembre dernier un appel de 738 millions de dollars (665 millions d'euros) pour aider les Vénézuéliens et leurs pays hôtes». 

En Equateur, le journal RT France à travers un article daté de 22 octobre, établit le bilan de la crise sociale ayant secoué le pays dont le point de départ n’était rien d’autre que la hausse des prix des carburants : « Le 16 octobre, l’ONU a célébré la journée mondiale de l’alimentation. Les Nations unies ont joué un rôle de médiateur entre le gouvernement de Lenin Moreno et la Confédération des Nations indigènes de l’Équateur (CONAIE), composée principalement de petits paysans, les premières victimes des ajustements du Fond monétaire international (FMI).  «Nous, les Indiens, nous sommes nés de la terre, nous vivons de la terre. Que se passerait-il si nous, les «Indiens sales», comme ils nous appellent, nous ne leur envoyions pas nos aliments? Que mangeraient-ils?», se demande devant une caméra Ana Maria Guacho, créatrice du Mouvement des indigènes du Chimborazo. Cette dame de 70 ans me rappelle une paysanne rencontrée lors d’un voyage en Équateur en juin dernier. Je parcours la Sierra centrale pour admirer les merveilles de ce petit pays, situé au centre de la terre. Je découvre le marché aux légumes de Zumbahua et fais le tour du cratère du volcan éteint Quilotoa, avant d’arriver au village indien de Chugchilán.Elle ramasse avec son mari des pommes de terre dans le brouillard. Je m’approche d’eux et leur propose de les aider. Nous passons toute l’après-midi à travailler la terre. Tous ses enfants sont partis vivre en ville, elle leur apportera sa récolte. Ses mains sont usées après tant d’années de travail. Elle vit à Latacunga chez ses enfants, et revient sur son lopin de terre deux fois par mois. A la fin de la journée, nous cuisons quelques pommes de terre et un cochon d’Inde. Je repars le cœur lourd après avoir partagé le quotidien de cette femme. Je l’imagine battant le pavé avec des milliers d’Indiens agriculteurs de la Sierra et d’Amazonie. Les manifestants ne protestaient pas seulement contre la hausse spectaculaire des prix du carburant due à la suppression des subventions.

Ils demandaient aussi la fin des concessions minières et avaient d’autres revendications comme la défense de l’agriculture familiale. Le décret 883 suspendu le 14 octobre, est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. «Cette explosion sociale est liée à la déflation des produits agricoles ces deux dernières années. La baisse des prix des aliments affecte les conditions de vie des communautés indigènes, surtout dans la Sierra centrale, qui sont des producteurs pour le marché interne», explique Pablo Iturralde, chercheur au Centre des droits économiques et sociaux (CDES).Le malaise social existe depuis longtemps. L’application des conditions du FMI a commencé avant la signature de l’accord. Dans un des documents de la Banque interaméricaine du développement (BID), on pouvait lire que la réforme fiscale et les licenciements massifs étaient les conditions du FMI pour commencer à mettre en place les déboursements. L’État s’est endetté de plus de 11 milliards de dollars en un an et demi, dépassant la dette contractée par l’ancien Président Rafael Correa en 9 ans. «Tout cela a commencé en 2017, après 16 ans de diminution continue de la pauvreté et des inégalités sociales. Ce n’est pas un hasard, et ce n’est pas dû à un choc externe. Aujourd’hui, les prix du pétrole sont au moins 40 % plus élevés que pendant les derniers mois du gouvernement de Correa, lorsqu’il a dû faire face à un ralentissement économique», souligne l’économiste. La politique d’ajustement de Lenin Moreno ne concerne pas seulement l’accord avec le FMI, mais aussi une réforme du travail qui précarise la vie des travailleurs, accompagnée de nouveaux cadeaux fiscaux pour les plus riches et les investisseurs étrangers, c’est-à-dire les transnationales qui occuperont à nouveau le territoire, pour une extraction sans limites des ressources naturelles du pays. Le troisième axe de cette réforme est un affaiblissement de l’État dans sa capacité à contrôler les mouvements de capitaux et réguler le commerce extérieur. «Dans un pays dollarisé comme l’Equateur, si on ne réglemente pas les importations, la seule alternative économique qu’il reste, c’est de serrer la ceinture des travailleurs pour rendre plus compétitif les coûts de production. 

L’argent pour financer le subventionnement de l’essence existe, il vient de l’État. Il suffit de combattre l’évasion fiscale et faire payer leurs dettes aux groupes économiques qui doivent 4 milliard de dollars au pays, soit le montant que Lenin Moreno a demandé au FMI. On pourrait optimiser les dépenses publiques, sans affecter les dépenses en matière de santé et d’éducation, ni les dépenses en investissement du capital d’État.» Je continue mon voyage dans la Sierra centrale. J’arrive au marché de Guamote, dans la région de Riobamba. Un jeune homme de 20 ans m’offre des fraises à la fin du marché. «Vous voyez cette montagne, eh bien j’habite sur ces terres, je suis fière d’être Indien et parler quechua. Mais aujourd’hui, à l’école on veut privilégier l’apprentissage de l’anglais, au détriment des langues ancestrales». Ce garçon est né un peu avant la dollarisation de l’économie, il n’a pas vécu les ajustements néolibéraux des années 90. Il a grandi pendant les années de croissance. J’imagine aussi ce jeune, manifestant dans les rues, comme l’avaient fait ses ancêtres en 1803. 10 000 Indiens de Guamote et Columbe s’était révoltés contre le système d’imposition de la royauté, en criant «soulevons-nous, récupérons notre terre et notre dignité». L’Histoire lointaine des luttes pour l’Indépendance et l’Histoire immédiate se rejoignent. Eduardo Meneses, politologue et militant de l’organisation «Université populaire», était enfant le 12 octobre 1992, lors de la célébration des 500 ans de l’invasion espagnole. «Depuis plusieurs années, les analystes politiques et les partis de droite avait signé la mort du mouvement indigène. Cette grève a permis de renouveler les structures traditionnelles des mouvements sociaux, qu’il s’agisse des syndicats, des Indiens ou des partis politiques. Dans les assemblées populaires du mouvement indigène, on entendait dire: «nous sommes les enfants des grands soulèvements des années 1990». Cette nouvelle génération de dirigeants rompt avec certaines pratiques qui avaient affaibli le mouvement indigène, centré sur des figures individuelles. On observe la naissance d’un leadership collectif bien plus local que national.» A la différence des révoltes des années 1990, la période actuelle est marquée par la dollarisation de l'économie. Les mesures du FMI sont d’autant plus douloureuses pour l’ensemble de la population qu’elles sont ressenties de manière immédiate. Il existe aussi un élément politique, selon Pablo Iturralde: «A cette époque, il y avait un bloc de pouvoir fractionné, ce qui générait de la déstabilisation politique. Aujourd’hui le facteur «Rafael Correa» fait que la classe politique essaie par tous les moyens de maintenir l’unité.

Dans le gouvernement de Lenin Moreno, il existe des fractions avec des intérêts distincts. Au moment où le pouvoir vacille, il reste soudé contre les mouvements sociaux mobilisés et le «correisme» parce que les ministres craignent bien plus Correa et le peuple que de devoir faire des concessions entre eux.». Lors de la grande mobilisation du 12 octobre, renommée par Hugo Chavez en 2004 «Journée de la Résistance Indigène», les habitants des quartiers populaires de Quito ont à nouveau marché, pour exiger la suspension du décret 883. L’État d’urgence décrété le premier jour avait pour objectif d'effrayer les gens afin qu’ils ne sortent pas de chez eux. Une interdiction bravée pendant 12 jours par les manifestants qui se retrouvaient dans le parc de l’Arbolito, lieu de confrontation avec la police. Le pouvoir a finalement militarisé la capitale le samedi, avant de céder le lendemain. Les casseroles qui retentissaient dans Quito ont laissé la place aux cris de victoire. Le gouvernement a eu recours à plusieurs tactiques vaines pour tenter de dissoudre le mouvement, en réprimant très violemment les protestations dès le début. Il a parallèlement essayé de diviser les gens, en affirmant que le parti de la Révolution citoyenne de Rafael Correa voulait les récupérer, allant jusqu’à affirmer que la guérilla des FARC était infiltrée parmi les manifestants. Puis, il a assuré que les dirigeants indigènes négociaient dans le dos de la CONAIE. «Cela a été immédiatement démenti par la confédération. Il y a peut-être eu certaines figures indigènes qui ont essayé de le faire. Elles n’ont rien à voir avec la confédération, qui a maintenu un effort d’union avec les bases», rappelle Eduardo Meneses. La ministre de l’Intérieur, qui a reconnu, lors d’une conférence de presse, le chiffre de 8 morts, 1330 détenus et 1507 blessés, a aussi affirmé que la couverture des manifestations les plus massives depuis 15 ans en Équateur, par RT en espagnol, attirait son attention. «Nous allons devoir faire la lumière sur beaucoup de choses», a déclaré Maria Paula Romo. En revanche, la diffusion de dessins animés pendant les manifestations par les chaînes de télévisions nationales, ne l’a semble-t-il pas perturbée. Lenin Moreno prépare la rédaction d’un nouveau décret, évitant ainsi le scénario immédiat de la démission mais tiendra-t-il jusqu’aux élections de 2021, après cette perte de légitimité démocratique? Son adversaire politique, Rafael Correa, est exilé en Belgique et fait l'objet d’un «lawfare», un processus de judiciarisation de la politique. Il ne peut revenir en Équateur sous peine d’être emprisonné. Il appelle à mettre en place «la muerte cruzada», terme juridico-politique utilisé en Equateur qui consiste en la faculté du pouvoir exécutif de dissoudre le pouvoir législatif, avec l’obligation de l’Assemblée nationale de convoquer des élections pour renouveler les deux pouvoirs.

Le président pouvant participer à cette élection, cette loi peut être considérée comme un référendum révocatoire. «Nous avons vécu plusieurs renversements de présidents, et cela n’a pas toujours signifié freiner la politique néolibérale, se souvient Eduardo Meneses. L’Assemblée nationale est composée de députés de la droite traditionnelle et de la droite du gouvernement néolibéral qui n’est malheureusement pas capable de répondre au mécontentement du peuple. Et le mouvement populaire ne parle pas de sortie électorale de la crise car il se méfie des politiques et des partis en ce moment.». «Les gouvernements néolibéraux incendient à nouveau la région», écrit Aram Arahonian, journaliste uruguayen. Une métaphore qui rappelle les incendies provoqués par les grands propriétaires terriens en Amazonie, soutenus par le président Jair Bolsonaro. «Est-ce l’heure du retour des gouvernements progressistes ?» se demande le journaliste uruguayen, alors que la gauche pourrait bientôt revenir au pouvoir en Argentine. «Il est indéniable qu’il y a eu des politiques de redistribution des richesses envers le peuple ces dernières années, répond Eduardo Meneses. Mais ces gouvernements n’ont pas résolu les contradictions qui ont permis le retour de la droite au pouvoir. Si nous voulons arriver à un nouveau cycle, nous devons questionner la Révolution citoyenne, qui n’a pas réussi à inclure le mouvement indigène, comme un acteur central, en méconnaissant la particularité de l’identité des Indiens. L’ancien gouvernement n’est pas parvenu non plus à remettre en cause la propriété de la terre. Nous avons besoin de nouvelles alliances politiques pour comprendre le processus de transition qui peut nous permettre de sortir de l’extractivisme. Cela signifie des années de planification économique, ce que la Révolution citoyenne n’a pas pu faire, car elle avait en son sein des représentants de l’oligarchie, des exportateurs. La signature des accords de libre-échange avec l’Europe est un exemple de ces contradictions.». Nous vivons dans une société dépendante du pétrole, à une époque où l’extraction du brut coûte de plus en plus cher. Que l’on porte des gilets jaunes ou des panchos multicolores, nous sommes tous victimes de la «malédiction du pétrole». Soutenir ou éliminer la dépendance à l’or noir demandera beaucoup d’efforts.»

Moussa T. Yowanga

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