25 Mai 2020
Valérie Dupont continue avec le cas ce demandeur d’asile en Italie à la personne de Ibra Diouf où elle le décrit comme : « Seul à accepter de nous montrer ses conditions de vie. Nous pénétrons dans sa caravane, une forte odeur d’urine se mélange à celle des restes de nourriture. « Voilà, ceci est ma maison, dit humblement ce géant, tout en muscle, vous voulez quelque chose ? Un café… ? » Ibra travaille dix heures par jour dans les champs, pour le moment c’est la récolte des asperges, ensuite ce seront les tomates puis les olives. Il nous montre un tas de fiches de paie en affirmant qu’elles sont fausses et que sans contrat de travail légal, il ne pourra pas obtenir le permis de six mois promis par le gouvernement : « Ce n’est pas un problème de travail, c’est un problème de documents pas de travail. Pour nous aider réellement il faut nous accorder un document valable deux ans, ou même 5 ans. Alors oui, cela aiderait réellement les personnes comme moi. Car tu as vu des blancs travailler ici ? Non ! Seulement des Noirs ! » Dans le ghetto, seuls 10% des migrants ont un permis en règle, les autres sont illégaux, entre autres, à cause de la loi Salvini, une loi qui a bloqué les permis pour raisons humanitaires. Mais avec le coronavirus, les ouvriers agricoles d’Europe de l’Est ne sont pas rentrés en Italie et dans les champs les légumes pourrissent sur pied, voilà pourquoi le gouvernement a annoncé cette régularisation partielle, pour faire sortir de l’ombre les invisibles ».
Notre consoeur Valérie Dupont termine son reportage en estimant que : « Cette régularisation partielle annoncée par le gouvernement n’est pas du goût des associations d’aide aux migrants. « Ce n’est pas la loi que nous souhaitions », explique Yvan Sagnet, un activiste camerounais installé en Italie et qui a fondé l’association « No Cap » qui lutte contre l’exploitation des migrants par les « caporaux », « c’est une loi qui se limite seulement à l’utilité du travailleur immigré, et qui ne se base pas sur les droits mais sur l’économie, mais c’est quand même un pas en avant, et nous estimons que sur les six cent mille sans papiers qui vivent en Italie, deux cent mille seront régularisés au moins pour six mois ».Car voilà seuls les sans papiers qui réussiront à convaincre un employeur de leur procurer un contrat dans l’agriculture ou l’aide à domicile seront régularisés. Après six mois si leur contrat est prolongé, ils pourront obtenir un permis de travail à plus long terme. Les autres migrants peuvent demander le permis temporaire seulement si leur permis de séjour est périmé depuis le 31 octobre 2019.Exploités par les « caporaux mafieux », illégaux depuis trop longtemps, bien peu d’habitants des ghettos pourront donc faire partie du lot. Jeudi, ils ont organisé une manifestation pour défendre leurs droits. « Pour l’instant nous sommes comme des morts vivants, nous avons quitté nos pays pour venir ici et vous avez besoin de nous tout comme nous avons besoin de vous », dit un jeune migrant. Ils demandent une régularisation sans conditions. Voilà pourquoi le 21 de chaque mois, ils ont décidé de se croiser les bras, de ne pas ramasser les légumes. C’est la grève des invisibles ».
Ahmat Zéïdane Bichara