16 Août 2009
Ahmat Zéïdane Bichara
Fille d’un docteur en linguistique à l’Université de N’Djaména, la chanteuse Mounira Khalil Allio, alias Mitchala est rentrée au Tchad pour ses vacances d’été auprès de ses parents et amies et surtout partager pendant une vingtaine de jours les rudes réalités au quotidien avec la population avant de revenir en France à Paris pour achever le reste de sa formation de professeur en techniques et méthodes d’enseignement de musique. Tout en s’attachant avec acharnement à sa future carrière, Cette jeune femme qui a grandi dans la Capitale tchadienne est pleine de maturité et de sagesse tout en se comportant comme les grandes dames africaines. En croyante pratiquante, cette future épouse très discrète sur les relations qui la lient avec son prétendant, souhaite tomber dans le panier d’un homme à capacité d’amour tendre selon ses mots, sous les apparences parfois abruptes, mais souvent directes et franches.
Elle est ivre d’espoir et reste persuadée d’atteindre son objectif de devenir un jour une chanteuse professionnelle ou enseignante des valeurs musicales pour partager ses aptitudes, son expérience et sa résistance à combattre l’hypocrisie et l’ignorance dans une grande école ou établissement de formation tout en assumant son rôle d’une femme ordinaire au foyer, de mère épanouie et heureuse. Même en France, la Tchadienne est toujours guidée par les valeurs de sa religion en prêchant l'humilité et l'amour envers les pauvres et tous ceux qui souffrent psychiquement ou moralement.
La fille de Khadidja s’interroge sur l’indifférence et la démission de certaines personnes de grandes villes comme Paris à l’égard des pauvres et des malades. Elle traite ce monde de dur et méchant vis à vis des démunis sur tout le plan. Effectivement, le monde, selon la chanteuse est dur et méchant à l’égard des personnes vulnérables et inefficaces. Il lui arrive d’interrompre brusquement son déjeûner ou son dîner lorqu'il lui vient subitement à l’esprit des images éffroyables conséquences de la détresse humaine des femmes et des enfants fuyant la guerre en Somalie, en République Démocratique du Congo, en Haïti, au Nigeria à cause de l'avidité des chefs d’Etats à ne pas lâcher le pouvoir.
L’ambassadrice des chansons tchadiennes ne comprend plus le monde actuel et le monde pour sa part ne la comprend pas aussi. Aussitôt, s’est installé un dialogue des sourds entre elle et ce monde dont elle ne supporte plus ses perpétuelles mutations, ses profondes indifférences et ses terrifiantes inégalités difficiles à digérer. Ce qui l’amène souvent à se poser des questions tantôt déliées, tantôt mystérieuses. Obtient-elle des réponses satisfaisantes susceptible d'estomper sa colère noire contre le fossé immesurable entre les pauvres et les riches ? Toutefois on ressent en elle un fort attachement possessif à l’égard d’enfants abandonnés au profit du doute de l’innocente nature pour des raisons dont on ne saura jamais ou des silhouettes des mères africaines ou d'ailleurs, brisées par le poids de nombreuses années de lutte pour leur survie face à une planète qui devient de plus en plus agressive et défavorisant ceux qui ont lâché le volant de la vie.
Cet attachement fait de Mounira, l’avocate de la cause d’enfants et des femmes pauvres des pays sous-développer d’Afrique. Elle ne s'attendait pas de porter un tel titre. D’ailleurs, elle ne fait pas partie des groupes de gens qui manifestent une irrésistible soif des titres et des nominations. Par ses chansons, elle agresse les ennemis de l’Homme qui tentent sa disparition sous une absurde violence des montagnes de sable soulevées par l’avancée du désert ou des successives famines à cause des faibles précipitations. Mounira Mitchala est souvent emportée par des vagues d’idées liées aux conditions humaines jusqu’à se retirer parfois seule dans sa chambre face à elle-même. Les difficultés ne disparaissent guère, ce sont les êtres humains qui partent et ne reviennent plus.
Le ciel africain bourré des impardonnables dictateurs, véritables prédateurs en art de la « politique des sales coups » et aux régimes mafieux, étonne la « griotte-moderne. » « Pourquoi l’Afrique n’engendre que des dictateurs qui ne développent que la passion des crimes, carburant de leurs sales actions, meilleur remède contre la peur de tout perdre et de mourir de coups de sabre ou de balle à bout portant » s’interroge-t-elle. Quand elle aborde cet aspect de la politique néfaste et retardatrice de nombreux pays d’Afrique, la confusion s’installe à nouveau. On la comprend plus et elle ne vous comprend non plus.
Seules ses larmes tombent de ses yeux comme des gouttes d’eau après une forte pluie diluvienne. Ses yeux rougissent, sa bouche se ferme et c’est la séparation avec le monde irréel aux idées vides des mots forts, mais aux maux tranchants comme un couteau aiguisé. Que fera-t-elle puisque l’humanité n’a jamais été parfaite et la misère persiste partout ? Ne dit-on pas que l’eau renversée est difficile à rattraper ? Qui pourra nous sauver de ce monde : en implorant Dieu ou grâce au dur labeur ? Les Italiens ne nous recommandent-ils pas la prière et le travail à la fois ? Car le labeur donne certes du profit et le bavardage ne produit que disette, mais la prière nourrit de résistance notre âme.