26 Mars 2010
(Syfia Grands Lacs/RDC) A Goma, face aux coupures intempestives de courant, les ménages s’associent pour acheter des groupes électrogènes. Du coup, ils consomment l’électricité de façon plus responsable. Pour la société chargée de la distribution du courant, cette solution est éphémère.
Alain Wandimoyi
A Mabanga, un quartier de Goma, à l'est de la RD Congo, des ampoules, suspendues à des poteaux en bois, éclairent les rues et les maisons. "Pour ne pas continuer à vivre dans l’obscurité, chaque ménage a déboursé 50 $ pour acheter un groupe électrogène et toutes les semaines, nous payons 2 000 Fc (2 $) pour le carburant et la maintenance. Notre groupe consomme 10 litres, pour une autonomie de cinq heures", souligne Léonard Mugisho, membre du groupe de Mabanga Sud.Dans la commune de Karisimbi, à l’ouest de Goma, depuis plus de deux ans, la population s’organise aussi pour contrer les coupures intempestives d’électricité. "Notre association compte 40 ménages. Chacun paye une cotisation de 40 $. Nous avons ainsi pu acheter un groupe électrogène capable de fournir de l'électricité à plus de 60 foyers", détaille Prudence Simwerayi, membre de l'association Action communautaire pour le développement de l'avenue Kindu et environs. Les groupes électrogènes permettent d’être autonomes mais leur fonctionnement est coûteux. "Avant, nous payions 2à 5 $ le mois pour avoir de l'électricité 24h/24. Aujourd'hui, en plus de l’adhésion qui coûte 50 à 60 $, nous devons payer 2 $ par semaine environ", indique Godelive Kashibondo, ménagère, dans l'avenue Vitwaiki qui précise que seuls l’éclairage et les appareils à faible consommation sont autorisés.
Gestion rationnelle de l’énergie
''Quand la SNEL (Société nationale d’électricité, Ndlr) nous fournissait de l'électricité de façon permanente, nous pouvions utiliser tous nos appareils, frigo, cuisinière, congélateur et autres électroménagers. Aujourd'hui, notre consommation est limitée. Par exemple, nous utilisons des éclairages à néon à la place des ampoules à incandescence", souligne Grâce Nyabade, une ménagère de l'avenue Mutongo. Avec le fonctionnement programmé des groupes électrogènes, tous les adhérents sont sensibilisés à la gestion rationnelle et responsable de l’énergie. "Le groupe est mis en route chaque jour à 18 heures et s'éteint à 22 heures", indique Prudence Simwerayi. Seule exception, les dimanches et jours de grandes manifestations ou à l'occasion de deuil dans le quartier, le courant est alors fourni à partir de 14 h. Avec la mise en place de fusibles qui ne supportent pas des appareils gourmands en courant, les fraudeurs sont vite démasqués et dénoncés. ''Ce dispositif permet non seulement de détecter les pannes, mais décourage aussi les tricheurs. Avec le système de gestion et de responsabilité collectives, personne ne veut rester dans le noir à cause d’usagers malhonnêtes", précise Jean Paul Kambale, électricien, gérant du groupe de l'avenue Vitwaike. Jersey Bandu, habitant du quartier Notre-Dame à Katoyi confirme : "Je ne permets pas à un voisin d'allumer une ampoule à incandescence ou un réchaud ou tout autre appareil électroménager de grande capacité. Je le dénonce tout de suite au comité, pour ne pas être privé de lumière ou de télévision".
Solution temporaire ?
Pour la SNEL, "c’est une bonne chose que la population décide de se prendre en charge, mais cette solution est éphémère car les coûts sont élevés pour la plupart des consommateurs", estime un de ses cadres qui a requis l'anonymat. Pour autant, le directeur provincial de la Société à Goma reconnaît que : "le courant actuel ne parvient pas à satisfaire les besoins de nos abonnés. C'est une situation qui existe depuis longtemps puisqu'il n'y a pas eu au départ une planification de l'évolution de la demande". Il y a plus de 15 ans, Goma comptait deux moins d'habitants et était éclairée avec un courant de qualité et sans interruption. Elle avait alors seulement besoin de 14 mégas watt. Aujourd’hui, "le besoin est de 30 mégas watt, mais nous en recevons à peine de 3 à 6", regrette-t-il. Pour remédier à ce déficit énergétique, des chantiers devraient être entrepris comme la construction de nouveaux barrages ou l’exploitation du gaz dans le lac Kivu. En attendant, les Gomatraciens continuent de se tourner vers les groupes électrogènes. Ce qui, pour la SNEL, représente un manque à gagner.
Goma
Jeunes électriciens bricoleurs : attention danger de mort
Passy Mubalama
(Syfia Grands Lacs/ RD Congo) A Goma, certains habitants ont décidé de se passer des services de la Société nationale d’électricité (SNEL) et de faire appel à de jeunes électriciens bricoleurs. Ceux-ci les "dépannent" avec des raccordements clandestins au réseau public. Ces installations de fortune, appelées aussi daoulage (de l'expression chercher le feu chez le voisin, en shi, langue du Sud-Kivu), se multiplient à Goma depuis un an. En cause, selon les habitants, la hausse des tarifs de la SNEL et les retards dans les interventions de ses techniciens. "J'ai attendu pendant plus de 2 jours pour une panne d'électricité. J'ai fini par appeler un bricoleur", avoue un habitant du quartier Katoyi. Un ingénieur de la SNEL explique que ces lenteurs sont dues au fait que, depuis septembre 2009, le centre de distribution de Goma dirige le Nord-Kivu, ce qui a élargi le rayon d'intervention de la compagnie. S'agissant des frais facturés aux clients, il précise qu'en dehors de l'abonnement mensuel, il est strictement interdit aux agents de facturer directement les dépannages.
Incendies, électrocutions....
Les agents de la SNEL s'inquiètent du danger pour les usagers de ces installations non conformes. Ainsi, une femme est morte électrocutée en voulant sécher son linge sur un fil électrique dénudé, nous raconte un habitant du quartier Mabanga. Et puis, il y a quatre ans, deux agents de la SNEL sont morts en réparant une cabine saccagée par des bricoleurs. De jeunes apprentis électriciens figurent également parmi les victimes.
Début novembre, deux agents de la Société nationale ont surpris un jeune électricien en train de faire des raccordements clandestins. Les habitants du quartier s'en sont pris à eux. Ils ont échappé de justesse à la vindicte populaire grâce à l’intervention de la police de la MONUC.Tout en rappelant que les bricoleurs pris en flagrant délit risquent la prison, un ingénieur à la SNEL souligne l'initiative mise en œuvre par sa société qui a décidé d'engager comme journaliers de jeunes apprentis, pour leur assurer une formation adéquate et réduire ainsi les risques liés aux raccordements clandestins.