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REGARDS D'AFRICAINS DE FRANCE

Informer sans travestir ni déformer, c'est notre combat !

Littérature tchadienne:«Dans la guerre au Tchad, il n’y a pas eu des victorieux!» Béchir Issa Hamidi présente « les larmes du combat », son premier roman.

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Monsieur Béchir Issa Hamidi, vous venez de publier votre première œuvre littéraire intitulée « Les larmes du combattant » aux Éditions Edilivre, dont le siège social est basé à Paris en France. Vous êtes anciennement journaliste et aujourd’hui vous êtes devenu administrateur parlementaire. La Rédaction de l’International direct News2 (de son ancien nom Regards d’Africains de France) vient vers vous avec des questions concernant uniquement votre tout nouveau roman pour le bienfait de ses lecteurs. Nous vous remercions d’avoir accepté cette interview.

C’est pour la première fois que nous allons vers vous au profit de nos lecteurs, dont certainement une grande partie semble ne pas vous connaître. C’est l’occasion de vous présenter largement. Qui êtes-vous, monsieur Béchir Issa Hamidi ? 

Béchir Issa Hamidi-Merci beaucoup pour l’occasion que vous m’offrez afin de faire connaitre le livre. A travers vous, je veux remercier tous ces jeunes tchadiens qui animent des sites ou blogs et qui participent à l’information de nos compatriotes. Je sais que c’est travail très difficile mais surtout ingrat. Je dis cela, parce que par le passé, j’ai eu à créer un blog en 2009 avant que d’autres occupations ne prennent le dessus. Pour revenir à votre question, j’avoue que j’ai du mal à parler de ma modeste personne, mais je vais le faire puisque vous estimez que c’est nécessaire. Je m’appelle Béchir Issa Hamidi, d’abord journaliste formé au Niger. J’ai travaillé pendant longtemps au quotidien le Progrès avant que je ne parte m’occuper de la presse dans le cabinet de l’ancien président de l’Assemblée nationale, Monsieur Nassour Guelendouksia Ouaïdou en 2007. A l’arrivée de l’équipe de l’actuel président, Monsieur Haroun Kabadi, en 2011, j’ai eu l’honneur et le privilège d’être reconduit au même poste jusqu’à l’heure actuelle. Entre temps, je suis devenu fonctionnaire parlementaire avec le grade d’Administrateur Parlementaire. Sur le plan académique, je suis titulaire d’un Master en Gouvernance et Management public obtenu à l’Université Senghor d’Alexandrie et je viens de soutenir un autre Master en Administration publique spécialisée à l’Université de Strasbourg en collaboration avec l’ENA-France dont je suis aussi le lauréat, promotion Jules Verses.

Vous venez de publier votre tout premier roman en français intitulé « Les larmes du combattant ». D’où vous est venu un tel titre ? 

« Les larmes du combattant », me semble approprié comme titre pour ce roman, car il résume en quelque sorte l’histoire du livre. En fait, le vieux Kalli qui relate sa vie dans ce livre porte un regard assez sévère sur son passé de rebelle. En effet, après avoir vécu ensemble toute sorte de privation et des difficultés dans le maquis, c’est son propre camp qui a tué ses meilleurs amis et compagnons avec lesquels il s’en est séparé suite à des querelles de leadership ou des considérations claniques, lors de la bataille de la capitale. « Les larmes» de ce titre expriment aussi l’émotion légitime qu’on récent quand on porte un regard sur son passé.

N’est-il pas un titre pour valoir ou pour faire la promotion de la tradition gorane, celle dont  vous êtes issu ?

Le livre ne vise pas uniquement à faire la promotion de la tradition gorane dont j’en suis très fier. Il va bien au-delà. Certes, grâce au personnage, la vie des nomades et surtout de cette communauté se trouve largement mise en avant. Mais l’essentiel du message est ailleurs. Il est plutôt universel : l’amitié, l’amour ou la guerre sont des thèmes qui ne connaissent pas de frontières communautaires.

Vous dites dans votre résumé que c’est une histoire émouvante que Kalli, devenu vieux et sage, raconte à son neveu journaliste venu le trouver en brousse. N’est-il pas vous, anciennement journaliste qui se cache derrière cette émouvante histoire ?

 Rires…Je rappelle que c’est bien une fiction. Je vous concède que le journaliste qui part trouver le vieux ressemble à bien des égards à l’auteur de cette fiction. 

Mais pourquoi avez-vous décidé d’évoquer le sujet de la guerre dans votre tout premier livre ?

 J’évoque le sujet de la guerre, parce que c’est un sujet majeur pour notre pays. Depuis son indépendance, les Tchadiens ont passé plus de temps à faire la guerre qu’à se consacrer au développement de leur pays. Aujourd’hui, nous pouvons simplifier en disant que notre pays ne se porte pas bien à cause, essentiellement, de la guerre et de ses corollaires. Par ailleurs, de par mon milieu aussi bien socio-culturel que professionnel, j’ai été plus sensibilisé sur tout ce qui a trait à la guerre. Déjà mon mémoire de journalisme portait en partie sur la guerre au Tchad. Quand j’étais rédacteur en chef du quotidien Le Progrès au milieu des années 2000, la guerre à l’Est du pays était notre quotidien. Plusieurs fois, j’ai été à l’Est du pays dans des délégations des journalistes, dans les localités où des combats se sont déroulés. J’ai interviewé des rebelles, des militaires…bref, j’ai vu de très près les affres de la guerre. Donc, par ce livre, je veux juste envoyer un message pour dire qu’on ne construit pas un pays par la guerre. Bien au contraire. Cherchons d’autres moyens pour exprimer notre mécontentement aussi légitime soit-il ?

Pour vos amis qui vous connaissent et pour d’autres qui ont eu la chance de vous rencontrer, Béchir Issa Hamidi montre le visage d’une personne qui n’est pas marquée par une quelconque malheureuse histoire. Aujourd’hui votre œuvre littéraire semble être une révélation de ce que vous n’avez pas voulu depuis des années le montrer au public.Que se passe-t-il ?

Je ne parle pas de moi dans le livre. Je parle du Tchad. Et le Tchad est quant à lui bien marqué par une quelconque malheureuse histoire, comme vous le dites. C’est cette histoire malheureuse qui nous fait verser des larmes.

En Afrique, quand on parle de larmes, beaucoup pensent à la souffrance et à la douleur. Sous d’autres cieux comme l’Europe, ce n’est souvent pas le cas. On voit même des hommes et des femmes qui versent leurs larmes quand ils arrachent des victoires. Finalement, nous-nous demandons, quel sens donnez-vous à un tel titre actuellement ?

Comme je l’ai dit, ces larmes expriment aussi bien la souffrance que l’émotion ressentie quand on se remémore de certains souvenirs. A ma connaissance, globalement, les réactions physiologiques n’ont pas beaucoup de frontières, même si dans l’expression des sentiments, des caractéristiques culturelles variables peuvent être observées. Donc « les larmes » du combattant renvoient aux larmes de quelqu’un qui a perdu, qui s’est fait mal. Ces larmes ne sont nullement celles de joie après une victoire. Car, l’essence même du livre est de montrer dans la guerre au Tchad, il n’y a pas eu des victorieux. Il n’y a que des perdants. Pensez-vous réellement que c’est une victoire quand on tue ses amis, ses parents, ses compatriotes, des innocents des enfants, des femmes ?

Hier, lorsque l’on parle d’écrivains, la Négritude ou l’engagement nous vient aussitôt à l’esprit. Vous, en tant que nouvel écrivain, vers lesquels de deux mots, voudriez-vous orienter votre plume ?

Je ne peux pas avoir la prétention de me comparer à ces grands écrivains. J’ai juste écrit un roman pour dénoncer en filigrane une situation, la guerre dans notre pays. Si engagement il y a, nous pouvons modestement dire que le nôtre est celui de lutter pour la paix dans notre pays, celui de s’accepter dans nos différences culturelles et de promouvoir le bien-être des populations longtemps meurtries par la guerre.

« Kalli est un éleveur nomade, amoureux de sa cousine qu’il ne peut épouser à cause de la tradition gorane. » Est-ce que ce sont tous les nomades de votre pays qui ne peuvent pas épouser leurs cousines à cause de leurs respectives traditions ?

Je ne connais pas bien toutes les traditions des autres nomades du pays. Chez les Goranes, le mariage entre des personnes ayant un lien de parenté très proche n’était pas bien vu. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’existe pas de nos jours ou qu’il n’a pas existé. De plus en plus, cette pratique qui était rare à l’époque est de nos jours endurée pour ne pas dire acceptée. Surtout que cette communauté musulmane subit l’influence de la religion qui ne l’interdit pas.Bien au contraire.

Pourquoi d’ailleurs avez-vous décidé d’écrire cette histoire ?Quels messages voudriez-vous transmettre à vos lecteurs ?

Si je ne l’ai pas écrit, peut-être que beaucoup n’auraient pas su le regard que portent les goranes sur cette institution qu’est le mariage. Je ne porte pas un jugement de valeur sur la pratique, je ne fais que le montrer. Par ailleurs, dans le livre, j’évoque aussi la circoncision, le vol des dromadaires par les « Allaguine », l’attachement à certaines valeurs comme la dignité, l’honneur et bien d’autres attitudes chez ces nomades. Toutes ces valeurs existent dans toutes les communautés. Aussi, est-il nécessaire de les voir sous des angles différents, selon les communautés pour se faire une idée. Donc, le mariage n’est qu’un maillon de cet ensemble de pratiques mises en exergue dans le livre.

Votre livre fait ressortir la plume d’un écrivain engagé comme les cas de certains journalistes bien déterminés à transmettre des messages durs et vrais. Et pourtant, on a l’impression que vous avez presque rangé votre plume du journalisme pour devenir administrateur parlementaire. Pourquoi une telle décision ?

C’est vrai que j’ai cessé d’écrire dans un journal depuis longtemps déjà. J’ai embrassé la carrière d’administrateur parlementaire pour être utile à mon pays, autrement. Le livre me permet juste de garder un pied dans le domaine de l’écriture. Vous savez, le journalisme est un métier  passionnant qui vous colle à la peau.Vous aurez du mal à le quitter définitivement. C’est pourquoi, je lui envoie un signe de vie en écrivant ce livre. 
On voit là apparaître une contradiction de votre œuvre par rapport à votre nouvelle vie professionnelle qui est celle d’un administrateur parlementaire qui pourrait un jour en étonner. Qu’attendez-vous de ceux qui auront la chance de lire votre premier livre ou d’autres ?

Les journalistes n’ont pas le monopole de l’écriture. Loin de là. Chacun peut avoir sa profession et écrire des livres. D’ailleurs, les meilleurs écrivains ne sont pas forcément des journalistes. Ecrire un livre, c’est entrer en communication avec des lecteurs potentiels. J’ose espérer qu’ils ne soient pas déçus par le message que je leur adresse. Quant à ma profession d’administrateur parlementaire, je ne pense pas qu’elle compte pour beaucoup dans le jugement qu’ils auront à faire du livre.

Trouve-t-on de la joie lorsque l’on est lu par des lecteurs qui critiquent votre œuvre ? 

Déjà, le fait qu’ils la lisent est un honneur pour moi… Quant à mon degré de tolérance aux critiques, rassurez-vous. J’ai suffisamment jugé les autres quand j’étais journaliste pour ne pas accepter d’être critiqué, surtout quand on s’expose avec un livre. Alors, critiques à vos plumes !

Un peu de la curiosité. Dans votre résumé, on ne voit pas ou ne lit pas le prénom ou le nom de cette fille, la cousine de Kalli, le nomade qui n’avait pas pu l’épouser. Pourquoi l’aviez-vous fait taire ? Est-elle belle ou laide ?

Pour répondre à votre curiosité, elle s’appelle Dakiré, qui veut dire « Aimée ». Belle ou laide…je ne sais pas, en tout cas, elle est aimable. Du moins pour Kalli. Pour avoir une idée sur sa beauté, lisez la description qu’en fait  Kalli.

Pour les critiques littéraires, cette cousine représente le pouvoir, Kalli est la morale (le bien et le mal), les deux frères jumeaux sont les deux anciens présidents tchadiens issus de l’ex-BET qui se sont disputé un temps le pouvoir tchadien.N’avions-nous pas raison dans ce sens ?

Les critiques littéraires ont vraiment de l’imagination… Seulement, le livre parle de ces combattants anonymes. Il évoque très peu les leaders et autres hommes politiques même si quelques traits peuvent pointer à travers les lignes. A chacun de lire et laisser son esprit imaginer ou extrapoler. C’est ça la littérature !

Et cet ami d’enfance, quel symbole représente-t-il dans votre roman ? 
Cet ami d’enfance, qui s’appelle Assileck et qui n’est pas de la même communauté que Kalli symbolise l’unité, la fraternité entre les fils d’un même pays. Il symbolise la destinée commune des Tchadiens au-delà des appartenances ethniques, culturelles ou religieuses. Sa mort symbolise la destruction, la désunion et la fracture entre les communautés. 

Pour finir, pourriez-vous nous dire s’il est facile d’écrire un tel livre et de le publier dans un pays comme la France où les talents de certains étrangers sont en bonne partie sous-estimés ? 

Fort heureusement, grâce à des conseils des amis compatriotes écrivains, j’ai frappé à la bonne porte. Je tiens à les remercier. La première maison d’édition à laquelle j’ai envoyé mon manuscrit l’a accepté. Donc, je ne peux pas dire que j’ai subi une discrimination quelconque. Je tiens à remercier cette maison d’édition Edilivre et surtout mes amis qui ont fait un travail de promotion du livre inestimable. Grâce à eux, beaucoup de sites et blogs tchadiens ont fait écho de la parution du livre. Encore merci à vous tous !

Propos recueillis par Ahmat Zéïdane Bichara

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