Informer sans travestir ni déformer, c'est notre combat !
22 Avril 2020
En Afrique, le temps où les candidats construisaient exclusivement leur stratégie autour des meetings publics est à présent révolu. Avec le développement du big-data, les hommes politiques prennent de plus en plus conscience de l’influence de la téléphonie mobile et des réseaux sociaux sur l’opinion publique. A l’ère des réseaux sociaux et des smartphones, des applications telles que WhatsApp favorise désormais des Cyber-campagnes sur mesure mais celles-ci ne sont toutefois pas sans conséquences sociétales.Ces dernières années, l’Afrique à découvert les avantages qu’offre WhatsApp en termes de communication politique. Lors des campagnes médiatiques, les populations sont ainsi exposées aux messages des hommes politiques dans les langues du terroir. Ces politiques sont soutenus par des compagnies qui travaillent dans l’ombre. Bien souvent, ces dernières se livrent à une lutte aux couteaux afin de propulser leurs clients vers la victoire. En 2014, une controverse a ainsi éclaté au sujet du géant sud-africain de la téléphonie mobile. Durant la campagne électorale de 2014, l'opérateur de téléphonie mobile MTN Zambie avait proposé ses services à un des candidats à la présidence. Ce dernier issu du parti au pouvoir en Zambie avait fait usage des SM-Safin de faire passer des messages politiques sur le réseau de l'opérateur MTN Zambie. A l’époque, Edgar Lungu qui dirige actuellement la Zambie depuis 2015, avait envoyé des SMS par le biais de MTN afin de dire à ses partisans qu'il n'utilise pas l'argent du gouvernement pour ses campagnes mais qu'il bénéficie plutôt des fonds collectés auprès de sympathisants.
Loin d’être un cas isolé en Afrique, cet exemple montre que la technologie mobile et les réseaux sociaux ont inauguré l'ère des Cyber-campagnes électorales sur le continent. Dorénavant, ces Cyber-campagnes facilitent une collecte massive et rapide d'informations sur les électeurs. En général, les informations collectées au sujet des électeurs favorisent une segmentation de la population selon différents critères tels que les données socio-démographiques, les pratiques religieuses ou les comportements d'achat entre autres. Il y a quelques jours par exemple, l'opérateur MTN Bénin a été épinglé dans une polémique autour d’un visuel de sensibilisation. Il s’agissait d’une affiche concernant le paiement via mobile Money de dîmes et frais de demandes de messes. Approchées, les deux paroisses dont les noms étaient présents sur le visuel ont tôt fait de nier leur implication dans le projet de la filiale béninoise de l'opérateur MTN. Pour finir, cette situation à pousser l'opérateur MTN Bénin à reconnaître sa culpabilité.Face à la polémique, MTN Bénin a adressé des courriers aux curés des deux paroisses concernées pour présenter des excuses. Toutefois, il convient de dire que ce type d’opération peut à long terme permettre le ciblage des électeurs.« En général, les élections favorisent de chaudes empoignades et durant les campagnes électorales des milliers de faux messages émanent souvent de tous bords. Lors des joutes électorales, on observe aussi que des images détournées sont allègrement partagées sur les réseaux sociaux mais il s’agit également d’une période propice à la diffusion de message ciblés » remarque le Dr Qemal Affagnon. Le responsable Afrique de l’Ouest d’Internet Sans Frontières estime que les méthodes de manipulation ont fait un bond avec l’essor du digital en Afrique.La messagerie WhatsApp qui a déjà fait les frais de nombreuses pratiques de désinformation est souvent contrainte de restreindre les transferts de messages à l’approche des élections par exemple.
Malgré la mise en place de telles mesures, les méthodes de manipulation se renforcent à travers le monde. Célèbre pour ses services de manipulation de l’opinion, Cambridge Analytica est ainsi parvenu à développer une infrastructure sophistiquée de sociétés écrans. Dans les pays où, la régulation des médias sociaux est encore faible, ces sociétés sont conçues dans le but d’injecter des ressources financières dans la politique. Dans certains cas, ces négociations se font auprès d’entreprises issues de pays où Cambridge Analytica mène une activité politique en parallèle.Au Kenya par exemple, Cambridge Analytica démarcherait la Standard Bank.A ce sujet,le responsable Afrique de l’Ouest d’Internet Sans Frontières pense que les dernières révélations concernant Cambridge Analytica font craindre le risque de nouvelles tentatives de manipulation par le biais de données Facebook obtenues illégalement. Le Dr Qemal Affagnon rajoute que dans le but d’écraser les parties de l’opposition dans les pays où, ses sociétés écrans opèrent, Cambridge Analytica s’active dans la création des fausses informations sur les réseaux sociaux.En effet, les dernières révélations dans la presse permettent de cerner les nouveaux contours des activités de Cambridge Analytica qui ne se limitent plus qu’au seul ciblage politique. On apprend ainsi que cette compagnie britannique misent sur des propositions commerciales afin de faire prospérer ses activités. De fait, des tableaux de gestion de projet montrent qu’à côté de ses activités électorales, la maison mère de Cambridge Analytica est également très active en matière de prospection commerciale à destination des grandes entreprises, auxquelles elle propose des campagnes de marketing pour leurs produits ou des campagnes de communication.Facebook qui est conscient de toutes ces menaces a pris le soin de mettre en place un programme de vérification des faits qui s’étend déjà à 18 pays d’Afrique subsaharienne. Mais ces mesures laissent à désirer, affirme le Dr Qemal Affagnon.lors d’une récente sortie médiatique, Kojo Boakye a cependant réaffirmé la volonté de Facebook de combattre la diffusion de fausses nouvelles. Le directeur des affaires publiques de Facebook pour l’Afrique subsaharienne prend comme référence la mise en place du programme de Fact-checking Pesa Check qui démontre de l’engagement continu du réseau social américain envers le continent africain.
Laurent Batonga