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REGARDS D'AFRICAINS DE FRANCE

Informer sans travestir ni déformer, c'est notre combat !

Bénin : Les rêves d'étudiants brisés

Les Universités et centres de formation du Bénin déversent chaque année sur le marché de l'emploi des milliers de diplômés, tous sexes confondus dont l’âge varie entre 18 et 25 ans. Du jour au lendemain, ils se retrouvent face à la vraie vie, les rêves d'étudiants brisés. Les demandes de stage ou d’emploi restent pour la plupart sans réponse. Le jeune diplômé se rend alors compte de la triste réalité relative au marché de l'emploi. La course à l’emploi devient un véritable parcours de combattant pour de nombreux jeunes en quête de leur première expérience dans le monde du travail.

Malheureusement peu d'institutions sont capables d’offrir du travail à un grand nombre des diplômés sans emploi. Malgré les efforts des autorités étatiques et celles du secteur privé pour relever le défi de l'employabilité des jeunes, le chômage et le sous-emploi sont toujours d'actualité au Bénin. Ce n’est pas le Programme spécial pour l’insertion dans l’emploi (PSIE) lancé le 15 juin 2020, qui pourra inverser fondamentalement la situation. Car le PSIE est une initiative qui consiste «à recruter chaque année, à la charge de l’État, 2000 jeunes diplômés à placer dans des entreprises privées ou publiques, sur une période de deux ans, avec l’espoir qu’ils sauront se rendre utiles et efficaces pour se faire recruter à l’issue de la période d’insertion, ou alors qu’ils sauront voler de leurs propres ailes dans l’auto emploi…».

En réalité, la marge de manœuvre est trop étroite face au déséquilibre criard entre l’offre et la demande en matière du marché du travail. Le taux de chômage varie selon le sexe. Si les garçons sont réputés pour savoir se débrouiller, les filles, en revanche, sont totalement désemparées face à cette problématique de chômage. Elles ont du mal à tirer leur épingle du jeu. Au Bénin, un jeune qui termine ses études devient ipso facto l'espoir de toute la famille surtout s'il provient d'une famille modeste. Il devient indécent pour beaucoup de parents de continuer à prendre en charge un enfant nanti de licence ou Master. Les étudiants une fois sortis des universités ou instituts sont donc pour la plupart livrés à eux-mêmes, filles comme garçons.

Beaucoup se posent véritablement la question de la survie dans un environnement où le taux d'employabilité est faible. Selon Clara, jeune fille de 21 ans issue d'une famille aisée fraîchement diplômée d'une université de la place : « J'avais des rêves. Je pensais qu'il suffisait d'aller à l'école, avoir de bonnes notes, soutenir et avoir un travail », « Ça fait un moment que j’ai fini mon premier cycle universitaire et pour avoir un stage professionnel, c’est tout un problème. J'ai essuyé plusieurs refus. Je parle de refus alors qu'ils ne prennent même pas la peine de vous faire un retour après avoir postulé, seul le temps vous donne votre réponse », se lamente-t-elle. «Pour finalement avoir un stage professionnel non rémunéré ; mon père a dû jouer de ses relations. C’est dans ces moments que je pense à mes camarades qui n'ont pas des parents haut placés, qu'adviendra-t-il pour eux? De toutes les façons, j’ai fini avec les dépôts, d'ici là je compte voyager pour continuer mes études, il n'y a plus rien au Bénin», s’insurge-t-elle. Clara n’est pas la seule déboussolée, a partagé ses difficultés à trouver un stage ou un emploi. Laure, quant à elle, livre une autre réalité. Sœur aînée d’une fratrie de plusieurs enfants et issue d’un milieu défavorisé, elle gère stoïquement la situation : « Aujourd'hui je comprends les grand-frères du quartier qui disaient qu'il ne servait à rien de faire de longues études. Passer quatre ans de sa vie à souffrir sur les bancs des universités, d'autant plus que ce n'était pas facile et être réduite à faire des choses que même une personne qui n'a pas été à l'école fait. Je ne compte plus le nombre de dépôts de demandes de stage, resté sans suite. Je me suis vite désillusionnée. Ma famille compte sur moi, j’ai dû vite laisser ces histoires de diplômes pour de petits boulots. Rester dans des boutiques ou kiosques de transfert, ça ne paie pas beaucoup, entre 25 000 et 40 000 FCFA et ça vous prend tout votre temps mais c’est mieux que la maison. Ce sont des boulots pas sans risques mais comment faire si c’est tout ce que vous avez à votre portée. Il faut quand même manger, penser aux parents et aux petits frères et sœurs. Avec tout ce que j’ai comme charge, cette somme ne représente rien, alors je compte de temps à autre sur mon copain pour me dépanner. Ce n'est pas toujours joli pour moi de dépendre d'un autre mais je n'ai pas le choix. Et cela ne reste pas sans conséquence mais que faire? J’espère d'ici là rassembler beaucoup d'argent pour entreprendre quelque chose ou faire une reconversion en allant apprendre un métier comme la coiffure ou la couture. L'école et les diplômes, je n'y compte plus dessus». 

Comme Clara et Laure, beaucoup d’autres jeunes diplômés développent des astuces et aptitudes pour faire face au chômage. Cela va du travail au noir,  à l’émigration économique en passant par la vie de dépendance chez un homme pour les filles, l'entreprenariat, la reconversion professionnelle, la poursuite des études hors du pays pour les plus nantis. Si le chômage a des conséquences sur la vie des jeunes en général, il représente un double danger pour les filles. Des situations dangereuses comme le harcèlement, le mariage d'intérêts ou précoce, l'abandon des rêves, la dépression, la prostitution pour ne citer que ceux-là. Cela a pour conséquences entre autres la régression de la lutte pour l'égalité en droit des filles et garçons et la pleine autonomisation des filles.

Danhouan Debouto Fifonsi Océane Carine, Collaboratrice spéciale au Bénin

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